2019 ne fût pas une année de tout repos pour le PPS. Les tensions internes ont atteint leur pic avec le limogeage d’Anas Doukkali et le retrait du PPS du gouvernement. A l’approche des échéances 2021, sous quelle image se présentera le PPS et avec quelles propositions et comment les concrétiser ? Nabil Benabdellah et Karim Taj tentent d’y répondre.
Sur le plan interne, les tensions ont rongé le parti du livre en 2019. Que le parti résume à la guégerre Doukkali-Benabdellah, laquelle a longtemps traîné. En dehors de cela, point de dissensions. Le parti va bien, soutiennent ses dirigeants.
Tout avait commencé par le retrait du PPS du gouvernement, une décision tombée suite au remaniement ministériel qui a privé Anass Doukkali, ex-ministre de la Santé, de son poste. Mécontent, ce dernier quitte donc le bureau politique du parti et se targue de sorties médiatiques qui sont loin de plaire au sein du PPS. Le parti finira par exclure Doukkali, par le biais d’une lettre, pour « violations graves des principes et des lois fondamentales du parti ». Voici, en bref, l’histoire de la rupture. Depuis, différentes histoires ont fusé. Des médias locaux ont rapporté que Doukkali cherchait à se rallier à l’UFSP, confrère idéologique mal aimé de son ex-parti. L’ex-ministre chercherait ainsi à obtenir mandat à se porter candidat aux prochaines élections législatives de 2021 pour briguer la circonscription de Témara. En contrepartie d’un parapluie partisan pour assouvir ses ambitions politiques, selon ces mêmes sources, Doukkali devra attirer bon nombre de ténors du PPS au sein de l’USFP. Si cela était le cas, cela annonce déjà que les relations entre les deux partis vont s’envenimer. Ce ne sera pas de ce côté-là qu’il faudra chercher alliance. A en croire Karim Taj, membre du bureau politique du PPS, cet épisode avec Doukkali « est longuement dépassé », tout en ajoutant que « les dysfonctionnements actuels de l’UFSP sont liés à sa direction actuelle ». Rappelons que les confrontations entre les deux confrères de la défunte Koutla ont commencé lorsque le PPS a décidé de s’allier au PJD, en 2015.
Pour se positionner aux triples échéances de 2021, il semblerait que le PPS s’y soit pris à l’avance, soutient Nabil Benabdellah : « dès 2018, avec l’organisation de notre 10ème congrès, nous avons adopté une stratégie organisationnelle pour renforcer les structures internes du parti ». En 2019, le PPS s’est focalisé sur la tenue de ses congrès régionaux, et toujours selon M. Benabdellah, « l’année 2020 sera consacrée à la tenue des congrès provinciaux du parti ». Il ajoute qu’une stratégie a également été mise en place, « la stratégie d’enracinement », qui vise à « améliorer l’enracinement du parti dans son milieu », en émettant, de manière hebdomadaire des positions politiques sur l’actualité. Pour l’année 2021, qui est une année électorale pleine, le PPS est déjà en quête de candidats à présenter lors des élections tant au niveau local, régional et provincial qu’au niveau des chambres professionnelles, explique M. Benabdellah. Parallèlement, le PPS s’est également ouvert aux nouvelles compétences qui souhaiteraient rejoindre le parti. Nous n’en saurons pas plus sur les propositions pour plus de justice sociale, économique … le leitmotiv, c’est rallier du sang neuf au parti historique. Si nouvelles compétences il y a, auront-elles la latitude et le temps de transformer le parti et le champ politique plus largement ? Pourront-elles faire en moins de quelques mois ce que le PPS n’a pas fait en 9 ans au sein du gouvernement à majorité islamiste et encore bien avant dans les gouvernements précédents et ce, depuis 2007?
Le PPS, qui s’est réuni hier avec la Commission Spéciale sur le Modèle de développement (CSMD), estime avoir présenté des propositions « particulièrement assignées et globales », toujours, selon M. Benadellah. Le parti a notamment évoqué la nécessité de « créer un climat de détente politique dans le pays », puisque, pour M. Benabdellah, « il y a un grand fossé entre les citoyens et la politique ». Ensuite, les propositions du PPS se sont focalisées sur 5 axes importants, comme il l’explique. En premier lieu, il s’agit de mettre l’élément humain au coeur du modèle de développement : « nous ne sommes pas partisans d’une économie libérale qui crée de la richesse juste pour en créer, et que celle-ci soit accaparée par certains au détriment d’autres. Il faut créer de la richesse pour le citoyen », explique M. Benabdellah. En deuxième lieu, il faut travailler sur les bases de l’économie marocaine et élaborer des stratégies sectorielles, notamment la création d’une « vraie industrialisation, qui crée de l’emploi et qui crée de la richesse », et qui donne au Maroc la capacité de rivaliser à l’échelle internationale », affirme M. Benabdellah, en ajoutant qu’il faut lutter contre la corruption, le manque de transparence et la rente. Le troisième axe concerne l’aspect écologique, avec la nécessité d’avoir une économie qui respecte l’environnement. Le quatrième axe concerne la gouvernance, notamment à travers une réforme des institutions, comme la réforme de la justice, pour créer un meilleur climat des affaires et une résolution de la transmission des pouvoirs, « le Maroc hésite toujours sur ce plan », commente M. Benabdellah. Et enfin, un aspect culturel puisque, pour le PPS, le développement du pays est inhérent au développement de la culture. Des pistes pour expliquer comment y arriver ? Rien ne « transparaît » chez ce parti rompu à l’exercice de l’opposition comme à celui du pouvoir.
Il est à remarquer que, pendant les différents congrès et événements du parti, le même discours a été prononcé : réhabiliter les instances politiques, répondre aux attentes de la population, combattre le capitalisme sauvage. Les réunions que les partis ont tenues avec la CSMD ont été l’occasion pour ces derniers de montrer leur aptitude à être dans la course et de communiquer sur leur force de proposition. A ce stade des consultations partis-CSMD, les propositions ont fusé, toutes aussi charmantes les unes que les autres, mais aucune feuille de route n’a filtré, aucune façon de montrer comment les appliquer.
Le PPS nous a tout fièrement parlé de ses propositions, mais ne nous a cependant pas éclairé sur la manière dont il comptait leur faire voir le jour. Si le PPS n’a pas pu les réaliser alors qu’il faisait partie du gouvernement, peut-on croire qu’il les réalisera alors qu’il est actuellement et de nouveau, au sein de l’opposition ? Rappelons que même les mandats de ses derniers ministres débarqués de leurs postes, à savoir Anass Doukkali, ex-ministre de la Santé, et Charafat Afilal, secrétaire déléguée à l’eau, ont été médiocres en termes de résultats, et se sont soldés par un limogeage. Les ministres du PPS n’ont pas, à leur tour, réussi à réaliser les objectifs tant prônés du PPS.
Concernant les futures alliances, il semblerait que le PPS ait retrouvé naturellement de nouveau son allié d’antan, l’Istiqlal, qui lui aussi s’est rallié à l’opposition, après être sorti avec fracas du gouvernement Benkirane. Les deux partis ont longtemps collaboré, mais, comme le relève M. Benabdellah, « l’Istiqlal est un allié de longue date. Nous nous sommes accidentellement trouvé dans des camps différents, de manière momentanée ». Accidentellement ? Est-ce aussi vrai que cela ? Le PPS avait choisi, contre vents et marées, le camp du PJD en 2011. Comment comptent-ils mettre à profit cette alliance renouvelée ? Là aussi black-out total.