Les critiques opposées aux ministres-maires ainsi que les soupçons de conflits d’intérêts pesant sur certains membres de l’exécutif incitent à un examen détaillé du régime des incompatibilités dans l’optique de séparer fonctions locales et nationales, tout en renforçant leur redevabilité au parlement. Il s’agirait également de corriger les carences de la loi marocaine en matière d’obligations déclaratives, et l’absence de dispositions sur l’après-mandat.
Peut-on rêver d’un monde où les ministres-maires seraient heureux ? Absents du territoire électif mais veillant peu ou prou à sa bonne gestion, on leur reproche leur éloignement. Travaillant autant qu’un maire ordinaire, on critique leur inapplication. Les attentes sont plus grandes quand on est membre du gouvernement; il faut que le développement pète les yeux. Dévoués à la cause et à la tâche, on les accuse de discrimination. Persiste encore, dans la mémoire collective, le souvenir de ministres-maires bichonnant leurs fiefs au détriment du reste du pays. Pèse le soupçon, omniprésent, d’un détournement ou d’un recentrement de l’allocation publique au profit d’un territoire sans les autres, qui ravive à l’occasion un fort sentiment d’injustice. Ce sentiment est d’autant plus prononcé qu’il est attendu des membres du gouvernement d’œuvrer pour la nation avant la localité.
Le cumul de deux échelles d’action et de deux rôles exécutifs, l’un local, l’autre national, ne va pas sans difficultés pratiques. La question a par ailleurs déjà fait l’objet de multiples écrits et interventions. Nul besoin d’y revenir. Posons, en revanche, une autre question: les ministres devraient-ils en revanche être parlementaires ?
L’exemple britannique
Inspirée de la séparation organique et fonctionnelle entre exécutif et législatif apportée par la Constitution française de 1958, l’incompatibilité de la fonction gouvernementale et du mandat parlementaire vise à créer une démarcation nette entre une position de « contrôleur », qui incombe à l’institution parlementaire, et celle de « contrôlé », qui est celle du gouvernement (1). La règle est également supposée concourir à une mise à distance du travail gouvernemental des contingences électorales.
Le bien-fondé d’une telle incompatibilité fait, depuis plusieurs années, l’objet d’un intermittent débat académique et public en France. Certains invitent à reconsidérer l’interdiction du cumul des fonctions de ministre et de député dans l’optique d’une reparlementarisation (2) du régime, pour parvenir à un rééquilibrage ainsi qu’à une revalorisation du parlement, ou pour aménager de nouveaux liens institutionnels entre l’exécutif et le législatif, en créant une plus forte dépendance juridique et politique du gouvernement vis-à-vis du parlement (3).
Au Maroc comme en France, l’observation des faits autorise à affirmer que le détachement des ministres élus aux législatives des contingences locales ou électorales est à nuancer. Ils conservent des liens avec leur circonscription élective en maintenant une permanence électorale, en prenant part aux réunions politiques et aux événements de leur circonscription, en continuant de suivre les questions locales, etc. Le ministre élu reste malgré tout le député « moral » du territoire concerné aux yeux de ses électeurs. Son suppléant joue ainsi un rôle de « garde-place » (4), et demeure « dans une position de subordination vis-à-vis d’un personnage politique qui l’a tracté dans son sillage, qui occupe d’importantes fonctions et qui veille attentivement à ses intérêts locaux » (5).
Afin d’éviter que les ministres élus s’inscrivent dans la poursuite d’intérêts politiques locaux, il apparaît judicieux de s’inspirer des règles applicables au Royaume-Uni en matière de conduite des affaires des circonscriptions électives des membres du gouvernement: lorsqu’un membre du gouvernement doit prendre une décision susceptible d’avoir un impact sur sa circonscription, il en informe le secrétaire permanent du ministère, qui délocalise la décision à un autre département ministériel (§6.4 du Ministerial Code). Le ministre déchargé peut faire connaître son point de vue au ministre investi de la décision par correspondance, en dirigeant une députation ou par entretien personnel, à condition qu’il agisse en tant que représentant de ses électeurs, et non en tant que ministre (§6.5 du Ministerial Code).
S’agissant du cumul de la fonction ministérielle et d’un mandat exécutif local (communes, provinces et préfectures, conseils d’arrondissements, groupements de collectivités territoriales, etc.), la loi gagnerait à se diriger vers une interdiction stricte. Il en va de même pour la présidence des chambres professionnelles. Dans le premier cas, l’interdiction du cumul se justifierait d’une part en raison des risques de conflits d’intérêts qu’une telle situation pose, le ministre pouvant transférer des ressources ou de l’attention publique vers un territoire local, et d’autre part en raison du poids respectif des deux responsabilités: la fonction gouvernementale requiert un dévouement intégral, et le mandat exécutif local nécessite une présence physique soutenue du maire, et un temps minimum d’exercice relativement important (6), certaines prérogatives ne pouvant être déléguées. Dans le cas des communes à forte densité démographique, le mandat exécutif local doit être exercé à plein temps.
Dans le cas des chambres professionnelles, il apparaît incompatible avec la fonction gouvernementale qu’un ministre soit en même temps chargé de la défense d’intérêts corporatifs, surtout si ces intérêts se rapportent, ou sont en lien avec des questions, des sphères d’activité ou des domaines situés dans le champ d’intervention du département ministériel qu’il dirige. Dans ce cas, existe un risque fort d’emprise ou de capture réglementaire (7), la forte promiscuité du ministre avec les groupes d’intérêts pouvant générer des modes d’appréhension ou un cadre cognitif proche de celui des régulés, et conduire à une réglementation maximisant la satisfaction des intérêts du groupe concerné au détriment de l’intérêt général.
Déclarations du patrimoine et des intérêts
Certaines des observations faites au sujet des obligations déclaratives des élus locaux s’appliquent également aux ministres.
Au Maroc, les membres du gouvernement sont tenus de déclarer l’ensemble des activités professionnelles et des mandats électifs qu’ils exercent, les revenus perçus l’année précédente, les passifs ainsi que les participations financières, dans un délai de trois mois suivant leur nomination (article premier du dahir n°1-08-72). Si la loi interdit toute activité professionnelle ou commerciale dans le secteur privé, ainsi que toute participation à des organes de direction, de gestion et d’administration d’entreprises privées à but lucratif et, de manière générale, toute activité pouvant générer un conflit d’intérêts, à l’exception des activités dont l’objet social porte exclusivement sur les valeurs immobilières, l’applicabilité réelle de ces règles est questionnable. Le conflit d’intérêts n’est pas défini par la loi marocaine, et l’autorité en charge du contrôle, de la conformité et des sanctions en cas d’inobservance des dispositions précitées n’est pas spécifiée.
En France, à titre de comparaison, les membres du gouvernement sont soumis à une déclaration d’intérêts qui porte notamment sur les activités professionnelles exercées durant les 5 dernières années; les activités de consultant exercées durant les 5 dernières années; les activités professionnelles du conjoint; les fonctions bénévoles; les participations aux organes dirigeants de structures publiques ou privées; les fonctions et mandats électifs ou encore les participations financières.
Au Maroc, la déclaration des revenus du conjoint ne peut être requise que lorsque, suite à l’examen de la déclaration du patrimoine du membre du gouvernement, « le rapport du conseiller rapporteur fait ressortir des faits constitutifs d’infractions au Code pénal, le procureur général du Roi près la Cour des comptes saisit la justice du dossier de l’affaire. Le premier président de la Cour des comptes peut, le cas échéant, demander à tout assujetti de déclarer les biens et les revenus de son conjoint » (8è alinéa de l’article premier du dahir n°1-08-72). La loi situe donc la déclaration des revenus du conjoint à l’aboutissement d’une longue procédure: le président de la Cour des comptes ne peut visiblement demander la déclaration des revenus du conjoint simplement en cas de doute — dans l’optique de le clarifier — mais seulement si apparaissent des faits constitutifs d’infractions pénales — donc, seulement en présence d’un élément moral ou matériel, signifiant une infraction possiblement tentée ou consommée. Par ailleurs, le premier président de la Cour des comptes doit-il préalablement saisir le procureur général du roi près la Cour des comptes — et donc saisir la justice du dossier — avant de demander des clarifications supplémentaires au sujet des revenus du conjoint, ou la simple apparition de faits constitutifs d’infractions pénales suffit-elle ?
Les revenus et l’emploi du conjoint — et, éventuellement, ceux des membres de la famille proche — devraient faire partie de la déclaration primaire des membres du gouvernement, et non pas seulement si apparaissent des irrégularités ou des faits constitutifs d’infractions pénales.
La loi marocaine reste également muette sur les instruments et les participations financières des membres du gouvernement. En France, ils doivent être confiés à des tiers (décret n°2014-747). Le contrat de fiducie ou la convention de gestion doit stipuler que le membre du gouvernement s’abstient de donner toute instruction au tiers auquel il a confié la gestion de ses instruments financiers. Le mandat doit aussi exclure toute possibilité pour le ministre de donner au mandataire, directement ou indirectement, et par quelque moyen que ce soit, des instructions d’achat ou de vente portant sur des instruments financiers. Le mandant peut demander au mandataire de lui fournir des liquidités pour un montant déterminé, dès lors que les instruments financiers cédés à cette fin sont choisis par le mandataire. Il peut apporter de nouvelles liquidités ou de nouveaux instruments financiers au mandataire. La convention doit, enfin, être validée par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Une règle similaire s’applique en Espagne, lorsque les ministres détiennent par eux-mêmes ou par personne interposée des participations directes ou indirectes de plus de 10% dans des entreprises qui ont des contrats d’une quelconque nature avec le secteur public ou qui reçoivent des subventions de l’État (article 14 de la loi 03/2015).
Aujourd’hui ministre, et demain ?
La législation marocaine se démarque par une absence de dispositions portant sur l’après-mandat. Aucune restriction, aucune interdiction ne pèse sur les membres du gouvernement qui souhaiteraient, après la cessation de leurs fonctions, exercer une activité libérale ou privée. Par ailleurs, le délit de prise illégale d’intérêts qui, en principe, rend rédhibitoire le passage des anciens membres du gouvernement à une sphère d’activité en lien avec les matières et les domaines dans lesquelles s’exerçaient leurs prérogatives, pose des difficultés d’interprétation — évoquées dans un précédent article.
La circulation d’anciens membres de l’exécutif vers le secteur privé reste sous-documentée au Maroc. En l’absence de données fiables, il est difficile de connaître l’ampleur du pantouflage gouvernemental, si tant est que le phénomène ait connu un certain développement au cours des années précédentes.
Celui-ci est en revanche appelé à gagner en envergure, avec l’évolution du secteur privé et la porosité croissante qu’il entretient avec la sphère publique — ce qu’exprime notamment le recours grandissant à des ministres issus du monde privé.
Le passage d’anciens membres du gouvernement au privé n’est pas sans poser de problèmes: possible préjudice à la réputation du gouvernement dont les membres paraissent prompts à se placer au service d’intérêts privés, nourrissant ainsi l’image de deux mondes, public et privé, aux logiques opposées, mais occupés par les mêmes acteurs qui changent périodiquement de rôle, endossent de nouveaux habits, incorporent de nouveaux agendas et s’attellent à la défense de nouveaux intérêts fortement contrastants avec les précédents, etc.; risque de favoritisme durant l’exercice des fonctions, les perspectives de carrière pouvant inciter à l’adoption de décisions privilégiant certains acteurs d’un secteur donné, dans l’optique d’être récompensé par l’occupation d’une position privilégiée dans le secteur en question (8). Enfin, se pose également un risque de capture réglementaire indirecte. Le membre du gouvernement sortant détient, outre une importante capacité d’influence, des accès et des informations privilégiées susceptibles d’être utilisés par des acteurs de la sphère privée aux fins de consolider leur connaissance du fonctionnement de la sphère publique, et rendre leur action plus efficace, décuplant leur capacité d’influence vis-à-vis de l’État et entraînant une distorsion de la concurrence.
En France, avant d’exercer une quelconque activité libérale ou privée, les anciens membres du gouvernement doivent obtenir un avis de compatibilité préalable de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. La mesure s’étend sur une période maximale de trois ans après la fin de l’exercice des fonctions gouvernementales (article 23 de la loi n°2013-907).
Au Royaume-Uni, toute activité de lobbying est interdite aux anciens ministres pour une période de deux ans après le départ de la fonction. Ils doivent aussi, pendant la même durée, demander l’avis de l’Advisory Committee on Business Appointments (ACoBA) pour tout poste ou emploi qu’ils souhaitent occuper (§7.25 du Ministerial Code).
En Allemagne, les anciens membres de l’exécutif qui ont l’intention d’occuper un emploi dans les 18 premiers mois suivant leur départ doivent en informer le gouvernement fédéral par écrit. La notification doit être adressée au moins un mois avant le début de l’activité.
Le gouvernement fédéral peut opposer son véto si l’emploi envisagé relève d’un domaine ou d’un secteur qui a été placé sous la responsabilité de l’ancien membre du gouvernement, ou si la fonction que souhaite occuper l’ancien ministre est susceptible de nuire à la confiance du public en l’intégrité du gouvernement fédéral. L’interdiction ne doit pas dépasser une période d’un an mais, dans les cas où les intérêts de l’État peuvent être significativement affectés par l’activité en question, l’interdiction peut s’étendre sur une période allant jusqu’à 18 mois.
Le gouvernement fédéral rend sa décision en se fondant sur les recommandations d’un organe consultatif composé de trois membres. La décision du gouvernement est rendue publique (§ 6a et 6b de la loi sur le statut des ministres fédéraux).
En Espagne enfin, les membres du gouvernement ne peuvent, pendant les deux années suivant la cessation de leurs fonctions, travailler pour des entreprises relevant d’un secteur réglementé par leur ancien département. Ne sont toutefois pas concernés par cette interdiction les membres du gouvernement qui, avant leur nomination, occupaient des postes dans des entreprises privées qu’ils souhaitent réintégrer à la fin de leur mandat, sous réserve que leur emploi ne porte pas sur des questions directement liées à leurs anciennes missions gouvernementales.
Les membres du gouvernement ne peuvent pas non plus conclure par eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’entités dans lesquelles ils détiennent une participation directe ou indirecte de plus de 10%, des contrats avec l’administration ou le département dans lequel ils ont exercé, pendant une période de deux ans.
Enfin, les membres du gouvernement doivent préalablement déclarer au Bureau des conflits d’intérêts, sur la même période, toute activité qu’ils comptent exercer. Le Bureau des conflits d’intérêts se prononce sur la compatibilité de l’activité en question et en informe l’intéressé (article 15 de la loi 3/2015).
Les législations ici mentionnées présentent quelques différences, notamment s’agissant de l’autorité en charge du contrôle (indépendante comme en France, au Royaume-Uni et en Espagne, ou sous l’autorité directe du gouvernement comme en Allemagne ?) les durées des périodes d’attente et, aussi, la rigueur du contrôle — le Bureau des conflits d’intérêts espagnol et l’Advisory Committee on Business Appointments (ACoBA) britannique s’étant souvent vu reprocher leur laxisme. La procédure, elle, reste essentiellement la même: en France, au Royaume-Uni, en Allemagne ainsi qu’en Espagne, une saisine préalable est obligatoire avant de démarrer une activité privée. L’activité est évaluée à partir d’un ensemble de critères, puis autorisée — moyennant réserves selon des cas — ou interdite pour une durée déterminée.
Un cadeau, c’est cadeau ?
De nombreuses législations prévoient une réglementation des cadeaux. Celles-ci apprécient différemment ce qui peut être considéré comme un cadeau acceptable, en tenant compte de sa valeur et du contexte général dans lequel il s’insère et qui lui donne sa signification. En France, tout cadeau reçu par un ministre dans le cadre de l’exercice de ses fonctions relève du mobilier national (circulaire 2007 du premier ministre François Fillon).
En Espagne, les membres du gouvernement ne peuvent recevoir de dons, avantages et cadeaux excédant les limites de la courtoisie. De même, ils ne peuvent accepter des faveurs ou des services proposés à des conditions avantageuses, ceux-ci étant susceptibles de compromettre leur impartialité ou les placer sous une obligation. Les cadeaux de valeur rejoignent le patrimoine de l’État (article 26 de la loi 19/2013 sur la transparence, l’accès à l’information publique et la bonne gouvernance).
Au Royaume-Uni, sont différenciés les cadeaux offerts aux membres du gouvernement en leur qualité, et ceux reçus à titre personnel, dont la valeur est plafonnée à 140 livres, et qui ne doivent mettre ou paraître mettre leur bénéficiaire sous une obligation de redevablilité (§7.22 du Ministerial Code). La seconde distinction porte sur le donateur: un cadeau offert par le représentant d’un État étranger lors d’une cérémonie nationale ne traduit pas les mêmes intentions et les mêmes fins qu’un cadeau offert par les acteurs d’un secteur réglementé qui devrait faire l’objet d’une législation ou d’une décision du ministre; le premier est protocolaire ou diplomatique, relève de la bienséance, tandis que le second porte une attente de contrepartie différente, quelle que soit sa force et son degré d’exigibilité. Sur ce dernier point, c’est moins la valeur du bien ou du service offert que le lien qui résulte ou apparaît résulter de son acception que les législations britannique et espagnole cherchent à encadrer — soit « l’obligation » que le cadeau est susceptible de créer.
La loi marocaine ne prévoit en la matière que des sanctions pénales. Celles-ci s’appliquent dans deux cas généraux: le premier est quand le cadeau, don ou avantage relève de la corruption, définie comme la sollicitation, l’acception ou réception d’offres, de promesses, de dons, présents ou autres avantages, pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, juste ou non, mais non sujet à rémunération ou un acte qui, bien qu’en dehors de ses attributions personnelles, est, ou a pu être facilité par sa fonction (article 249 du code pénal). Le second est quand le cadeau, don ou avantage vise à bénéficier d’une influence réelle ou supposée du bénéficiaire, pour l’obtention d’une décision favorable d’une autorité ou d’une administration, ce qui relève du trafic d’influence (article 250 du code pénal). La corruption est sanctionnée qu’elle soit directe ou indirecte (par personne interposée).
Une infinité de situations peut passer à travers les mailles de la corruption et du trafic d’influence tels que formulés aujourd’hui: la démarche du corrupteur peut s’inscrire dans le temps long, de sorte que la traçabilité de la relation entre le cadeau, don ou avantage et sa contrepartie potentielle ne puisse être que difficilement établie, et surtout si le don n’intervient que bien après l’acte attendu. Dans bien des cas, la demande du donateur n’a pas à être directement exprimée pour être correctement décodée, si le bénéficiaire saisit quels intérêts le donateur défend, ou s’il connaît ses attentes.
Le code pénal français, lui, définit le trafic d’influence comme le fait de solliciter ou d’agréer à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques (articles 432-11 et suivants et articles 435-10 et suivants du code pénal français). « A tout moment » signifiant que les rémunérations peuvent avoir été versées antérieurement ou postérieurement à l’acte, alors qu’avant 2000, le code pénal exigeait que les manœuvres délictueuses soient antérieures aux actes à accomplir, ce qui soulevait des difficultés pratiques. « Directement ou indirectement » voulant dire que les offres, les promesses, les dons, les présents ou les avantages peuvent avoir été sollicités ou agréés par soi, ou par le biais d’un intermédiaire.
Il apparaît donc nécessaire de reformuler les délits de corruption et de trafic d’influence afin de corriger les lacunes qu’ils présentent aujourd’hui. Et, en l’absence de dispositions législatives encadrant les cadeaux, ce sont toutes les occurrences autres que la corruption et le trafic d’influence dans leur sens strict qui échappent à la régulation.
Références :
(1) Damien Connil, À propos de l’article 23 de la Constitution, fonctions et dysfonctions d’une disposition constitutionnelle, Revue Française de Droit Constitutionnel, n°92, 2012, pp. 733-756.
(2) Anne Levade, Les nouveaux équilibres de la Ve République, Revue Française de Droit Constitutionnel, n°82, 2010, pp. 227-256.
(3) Armel Le Divellec, Vers la fin du “parlementarisme négatif” à la française ? Une problématique introductive à l’étude de la réforme constitutionnelle de 2008-2009, Jus Politicum, 2011, 31 p.
(4) Damien Connil, op., cit.
(5) Georges Morin, Un exemple de résistance au changement constitutionnel: l’impossible réforme du statut des suppléants parlementaires, Revue de Droit Public, 1979, p. 1565.
(6) Laurent Bach, Faut-il abolir le cumul des mandats ?, Rue d’Ulm, 2013, pp. 55-56.
(7) Voir: David Freeman Engstrom, Corralling Capture, Harvard Journal of Law & Public Policy, vol. 36, 2013, p. 31 à 40, & James Kwak, Cultural Capture and the Financial Crisis, in Preventing Regulatory Capture: Special Interest Influence and How to Limit It, Cambridge University Press, 2013, p. 71 à 98.
(8) Mathias Dewatripont, Ian Jewitt, Jean Tirole, The Economics of Career Concerns, Part II: Application to Missions and Accountability of Government Agencies, The Review of Economic Studies, vol. 66, n°1, 1999, pp. 199-217.