«L’Atlantique compte parmi les carrefours géopolitiques les plus structurants de l’ordre mondial. Un quart des nations ont une façade atlantique, 23 d’entre elles sont africaines. Dans ce conglomérat de pays, le Maroc dispose de la plus grande façade en Afrique, certains diront, qu’elle est à la mesure de son engagement diplomatique pour l’émergence du Continent. Pour cause, la vision royale érige dans cet espace pivot une nouvelle communauté d’intérêt et de destin, faisant de l’Atlantique l’épicentre d’un équilibre mondial au diapason des aspirations et des besoins africains», a pointé l’ambassadeur du Maroc à Washington, Youssef Amrani, lors du Carnegie Africa Forum.
«Entre la mer frontière et la mer liaison, il n’y a aucune distinction intrinsèque. Seule une appréciation politique, qui en variant conditionne tout le reste. Au-delà des déterminismes géographiques, ce sont en effet les choix et les visions qui fondent notre réalité et orientent notre avenir. Le Maroc a choisi son camp, il est au rang de ceux qui font le pari de l’intégration. À contrecourant des cloisonnements qui s’opèrent, le Royaume ancre l’Atlantique au cœur de ses démarches, il agit en faisant simplement de la diplomatie là où d’autres ont parfois abandonné cet idéal», a-t-il observé
La vision atlantique marocaine est structurelle
«Pour le Maroc, l’Atlantique c’est une vision. Une composante particulière de notre identité. Un espace d’opportunité. Un clivage qui paradoxalement nous unit. Nous y voyons un pont, une synapse qui connecte nos intérêts les plus névralgiques et nos espoirs les plus soutenus. S’il fallait la résumer, la vision atlantique du Maroc est celle qui prône une nécessité structurelle : celle de la connectivité ; un engagement diplomatique : celui de la coopération ; un besoin économique : celui de l’intégration ; et enfin, et pas des moindres, une attente citoyenne : celle de la prospérité, de la paix et du développement», a indiqué l’ambassadeur.
Pour lui, «la vision royale qui prévaut à ce déploiement fait écho à un besoin et traduit une ambition : ouvrir les yeux sur une autre conception atlantique. Une de nature à unir, fédérer et connecter, là où l’impact humain sera le plus palpable et où les attentes sont les plus pressantes. L’Atlantique devient, sous le prisme de cette approche, un baromètre, un indicateur de l’état de santé continental, un miroir de la cohérence ou de l’incohérence de notre devenir commun.»
En ce sens, «l’Atlantique est à la fois une solution et un enjeu. L’espace bifurque entre l’un et l’autre au gré des politiques qui dessinent ses vocations. Déserté, il devient aisément le terrain de jeu des dangers les plus complexes, où opèrent à profusion les phénomènes jumelés du terrorisme, de la piraterie et du trafic organisé. A contrario, une transfusion bien pensée de cohérence et de coopération le transforme en corridor de développement et de prospérité. Le choix n’est pourtant pas aussi simple qu’il n’y paraît, la prise en charge de cet espace exige, au-delà du courage, une conviction forte que le statu quo ne sert aucun intérêt.»
Le Maroc, dit M. Amrani, ne se résout pas à l’inertie atlantique. «Il se refuse tout attentisme ou suivisme dans les actions déployées. Le bon sens prend place, la realpolitik est de rigueur, mais elle n’a rien de froid ou de discriminant. Au contraire, elle est fondée sur l’interdépendance et le co-développement. Loin de toute naïveté, le Royaume porte un pragmatisme nécessaire en de telles circonstances, à savoir une solidarité qui ne laisse pour compte ni les nations qui changent, ni les modèles qui évoluent, et encore moins les aspirations qui grandissent. L’Atlantique se met au service de l’Afrique, et le Maroc l’accompagne dans cette dynamique en contribuant à l’articulation d’une nouvelle narrative géopolitique dans la région», a-t-il insisté.
L’initiative marocaine envers les pays du Sahel est sans doute l’exemple le plus éloquent. «Là où d’autres font de la gestion de crise ponctuelle, le Maroc opte pour un bouleversement intégral des paradigmes. L’approche exclusivement sécuritaire a montré ses limites ; elle doit devenir plus holistique et mettre le développement humain au centre de ses préoccupations. Plusieurs diplomaties étrangères, même les plus expérimentés ont failli sur ce terrain, croyant que l’idéologie battrait en retraite face à la force militaire. Il n’en est rien : la pensée humaine est infiniment plus complexe et n’évolue que si l’on considère la racine et non les symptômes de ses afflictions», a précisé l’ambassadeur
La parcellisation de l’Atlantique, une erreur
Le Maroc l’a compris, toute parcellisation de la construction atlantique est une erreur. La vision marocaine «est par conséquent transversalement atlantiste en ce sens qu’elle ne traduit aucune exclusivité sur cet espace ; au contraire, elle appuie toute optique visant à élargir l’Atlantique au-delà de ses confins géographiques», a-t-il mis en évidence.
«L’intégration régionale n’est pas un fractionnement ou une subdivision d’un espace qui chercherait à s’autonomiser par rapport à un autre. C’est à l’inverse une unité qui s’imbrique dans un modèle institutionnel plus large pour répondre conjointement à des enjeux et à des défis partagés. En ce sens, l’Union africaine se repose fondamentalement, sur des intégrations régionales réussies. Force est de constater que certaines sont plus abouties que d’autres. Toutefois, l’UA a une vocation forte, un engagement certain pour se saisir du rôle qui lui revient naturellement en tant que fédératrice d’un projet africain cohérent», a ajouté le diplomate marocain.
Une continuité diplomatique, selon lui, «doit pouvoir joncher des assemblages coopératifs fort et en phase avec les besoins entre, d’une part, les pays africains riverains, d’autre part leur voisinage immédiat et enfin avec leurs partenaires internationaux. Seule cette approche inclusive permet de tisser les complémentarités nécessaires. Un maillage qui, au-delà du sens figuré, trouve une réalité concrète dans les méga projets d’interconnexion atlantique comme le port de Dakhla ou encore le gazoduc Nigeria-Maroc pour ne citer qu’eux. De leur financement à leur finalité, il n’y a qu’un seul son de cloche qui orchestre cette dynamique. Qu’ils soient financés en dollars, en euros ou en dirhams, ces programmes structurants versent dans l’équation idéale du gagnant-gagnant et ce, peu importe la variable choisie.»
L’Atlantique «est une continuité qui a besoin de complémentarités et d’engagement. Le Partenariat pour la coopération atlantique lancé par Washington, et dont le Maroc est membre à part entière est d’ailleurs une expression forte de ces engament qui s’opèrent et se multiplie. De même, les nivèlements du Sud global, l’initiative brésilienne, les partenariats européens, la coopération politique avec l’OTAN sont autant d’espaces qui offrent à l’Atlantique des chemins d’accroissement, des voies d’unité et des moyens de convergence», a-t-il noté.
«Il est là, le cœur de cette narrative marocaine. La prise de conscience que le concert des nations n’a pas activé l’ensemble des leviers à disposition pour redessiner un équilibre mondial plus pérenne. Alors que l’échiquier international se cherche une nouvelle cohérence, je pense que l’Atlantique n’est pas en reste d’une vocation bien plus saillante. Épicentre d’enjeux et d’opportunités, l’espace atlantique est une plateforme qui associe une diversité de communautés, jouxtant le monde dit occidental au Sud global, comme un point de contact qui fusionne les perspectives de deux polarités en un seul et même destin», a-t-il conclu.