Le Parlement a décidé de reporter l’adoption des deux projets de loi visant à établir la compétence juridique du Maroc sur l’ensemble de son espace maritime.
Les projets de loi relatifs à la délimitation des frontières maritimes du Maroc ne seront finalement pas discutés aujourd’hui en séance plénière par la Chambre des représentants. Il s’agit du projet de loi n° 37.17 modifiant et complétant le Dahir portant loi n° 1.73.211 du 26 Moharrem 1393 (2 mars 1973) fixant la limite des eaux territoriales, ainsi que du projet de loi n° 38.17 modifiant et complétant la loi n° 1.81 instituant une zone économique exclusive de 200 miles marins au large des côtes marocaines.
Selon Mustapha Sehimi, professeur de droit et politologue, ces deux textes de loi traduisent la volonté du Maroc de protéger et de préserver ses intérêts suprêmes au niveau de son espace territorial, ainsi qu’à l’échelle géopolitique de la région. « Ils ont été adoptés à l’unanimité par la Commission des affaires étrangères, de la défense nationale, des affaires islamiques et des Marocains résidant à l’étranger à la Chambre des représentants lundi dernier, à savoir le 16 décembre. Leur adoption a été reportée sans date par le Parlement », a-t-il indiqué.
Pour M. Sehimi, ce sont des considérations politiques et diplomatiques qui ont joué pour ce report. « Nous sommes dans une relation particulière avec l’Espagne et donc nous tenons un partenariat privilégié avec ce pays. En effet, les liens bilatéraux sont très étroits. Il y a eu un certain nombre de réactions sévères du côté espagnol, notamment des autorités des îles Canaries par rapport aux deux projets de loi visant à établir la compétence juridique du Maroc sur l’ensemble de son espace maritime. Il y a eu également des réactions à ce sujet de la part du gouvernement espagnol. Le Maroc, dans un esprit de dialogue, a reporté l’examen de ces deux textes », a-t-il expliqué dans une déclaration à Barlamane.com/fr.
D’après M. Sehimi, ces deux projets de loi reflètent un choix stratégique et souverain en premier lieu du Maroc. « Ce choix est fondé sur les droits légitimes du Maroc et repose sur des bases juridiques pertinentes. Et ce, conformément aux conventions internationales sur le droit de la mer selon lesquelles chaque pays a le droit d’avoir sa propre zone économique exclusive (ZEE) », a-t-il poursuivi.
En effet, la notion de ZEE trouve son fondement juridique dans la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Il s’agit d’un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d’exploration et d’usage des ressources. Elle s’étend à partir de la ligne de base de l’État jusqu’à 200 milles marins de ses côtes au maximum, au-delà il s’agit des eaux internationales.
Selon la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, chaque État a la possibilité de demander l’extension de son plateau continental aux Nations unies pour étendre ses droits sur le sous-sol à 350 milles marins – 648 kilomètres – selon une procédure réglementée et justifiée. Madrid a formellement dévoilé ses intentions à l’ONU dans le cas des îles Canaries, affirmant, avec des rapports scientifiques, que géologiquement le sous-sol au sud-ouest d’El Hierro n’est pas tributaire continent africain mais à l’extension naturelle de l’archipel, avec de multiples montagnes sous-marines formées par le même volcanisme à l’origine des îles Canaries. Dans le cas où la mer, selon cette convention, pourrait appartenir à un ou plusieurs pays, une négociation entre eux est ouverte. En règle générale, une médiane est établie qui sépare les eaux de manière équitable, même si, en l’absence d’accord, elle peut se terminer devant un tribunal international.
Aujourd’hui, le Maroc compte enclencher un processus diplomatique de négociations qui va aboutir par la suite à un accord sur le partage de la zone économique et qui va jusqu’aux Canaries, une région autonome relevant de la souveraineté espagnole. « Il faut donc trouver un accord sur le partage de souveraineté et si possible l’exploitation commune des ressources naturelles qui sont dans cette zone économique », fait observer M. Sehimi tout en soulignant que le Maroc conforte sa position diplomatique quant à cette zone économique étant donné qu’il a initié un processus législatif devant conduire à une loi. « Les choses vont se débloquer quand on arrivera à un accord avec l’Espagne. Je trouve que c’est une bonne approche puisque c’est un atout de négociation. Il vaut mieux négocier en ayant une position que négocier dans le cas d’un discours diplomatique conventionnel », a conclu M. Sehimi.
Rappelons que la décision du Maroc d’étendre ses frontières maritimes a fait sensation, puisqu’elle concerne les îles Canaries, et donc les intérêts de l’Espagne. Pour le gouvernement de Pédro Sanchez, « le Maroc a rompu un pacte diplomatique non écrit ».