Le taux de participation lors du scrutin s’est établi à 27,7%, contre 45% au premier tour de l’élection de 2019. Il s’agit du taux le plus faible pour un premier tour de scrutin présidentiel depuis le renversement de Ben Ali en 2011.
Le président sortant Kais Saied est donné vainqueur avec plus de 89 % des voix lors de l’élection présidentielle qui s’est déroulée dimanche en Tunisie, selon un sondage de sortie des urnes diffusé par la télévision nationale Wataniya. Kais Saied, 66 ans, a largement battu, selon ce sondage réalisé par l’institut Sigma Conseil, l’industriel libéral Ayachi Zammel qui n’a obtenu que 6,9% des voix, et l’ancien député de la gauche panarabe, Zouhair Maghzaoui, dernier avec 3,9% des suffrages. Pour rappel, le chef d’État sortant Kais Saied, accusé de «dérive autoritaire», était considéré comme favori dans ce scrutin.
L’autorité électorale Isie a annoncé une participation de 27,7% contre 45% il y a cinq ans au premier tour. Le président de l’Isie, Farouk Bouasker, a jugé ce taux «respectable», alors qu’il s’agit du taux le plus faible pour un premier tour de scrutin présidentiel depuis le renversement du président Ben Ali en 2011.
Les 9,7 millions d’électeurs (sur 12 millions d’habitants) étaient attendus dans plus de 5000 bureaux ouverts de 8 heures à 18 heures, avec des résultats prévus «au plus tard mercredi», selon l’autorité électorale Isie. Le président de cette Instance supérieure indépendante pour les élections, Farouk Bouasker, avait annoncé à mi-journée un taux de participation de 14,2% à 14 heures.
Légitimité «entachée»
Dans le berceau des révoltes prodémocratie du Printemps arabe en 2011, seuls deux candidats – considérés comme des seconds couteaux par les experts – avaient été autorisés à affronter Kais Saied, 66 ans, sur initialement 17 postulants, écartés pour des irrégularités présumées.
Le président sortant affrontait donc Zouhair Maghzaoui, 59 ans, un ex-député de la gauche panarabiste, et Ayachi Zammel, 47 ans, un industriel libéral inconnu du grand public, qui n’a pas pu faire campagne car il est emprisonné depuis début septembre et sous le coup de trois condamnations à plus de 14 ans de prison pour des soupçons de faux parrainages. En votant dans le centre-ville, Hosni Abidi, 40 ans, disait craindre une manipulation des urnes : «Je ne veux pas qu’on choisisse à ma place, je veux cocher moi-même la case de mon candidat».
«La légitimité de l’élection est forcément entachée quand les candidats qui pouvaient faire de l’ombre à Kais Saied ont été systématiquement écartés», a commenté pour l’AFP l’analyste politique tunisien Hatem Nafti, soulignant aussi qu’il «s’agit de la pire participation depuis 2011».
Le processus de sélection des candidatures avait été très contesté pour le nombre élevé de parrainages exigé, l’emprisonnement de candidats potentiels connus, et l’éviction par l’Isie des rivaux les plus solides du président dont Mondher Zenaidi, un ancien ministre sous le régime Ben Ali.
Pour l’expert français du Maghreb, Pierre Vermeren, même si avec une abstention aussi forte, «la légitimité démocratique» de cette élection est «faible», «la Tunisie a un président et la majorité des Tunisiens laissent faire». Il a noté des analogies avec l’Algérie voisine, «où personne ne remet en cause le président» Abdelmadjid Tebboune.
Bilan très mauvais
Kais Saied, élu en 2019 à près de 73% des voix (et 58% de participation), était encore populaire quand il s’est emparé des pleins pouvoirs à l’été 2021, promettant l’ordre face à l’instabilité politique. Trois ans plus tard, beaucoup de Tunisiens lui reprochent d’avoir consacré trop d’énergie à régler ses comptes avec ses opposants, en particulier le parti islamo-conservateur Ennahdha, dominant sur la décennie de démocratie ayant suivi le renversement du dictateur Ben Ali en 2011.
Depuis 2021, les ONG tunisiennes et étrangères et l’opposition dont les figures de proue ont été arrêtées, dénoncent une «dérive autoritaire» de Kais Saied, via un démantèlement des contrepouvoirs et un étouffement de la société civile avec des arrestations de syndicalistes, militants, avocats et chroniqueurs politiques. Selon Human Rights Watch, «plus de 170 personnes sont actuellement détenues pour des motifs politiques ou pour avoir exercé leurs droits fondamentaux».
Le président Saied, selon Michaël Ayari, est «critiqué pour son incapacité à sortir le pays d’une profonde crise économique». Avant le vote, Saied a promis une «traversée… vers une nouvelle Tunisie» dans les cinq ans à venir, après un premier mandat consacré à lutter «contre les forces du complot sous influences étrangères» ayant «infiltré de nombreux services publics et perturbé des centaines de projets».
(Avec AFP)