La somptueuse propriété, la villa Dar Gyucy de Marrakech, a été détenue depuis 2010 par une SCI marocaine propriété d’une société panaméenne, Hayridge. Cette dernière est au nom de Jean-Pierre Aubry, l’homme de confiance de Patrick Balkany à Levallois.
Villas exotiques et sociétés-écrans : déjà condamnés pour fraude fiscale, les époux Balkany étaient jugés vendredi 18 octobre dans le second volet de leur procès pour «blanchiment à grande échelle», et pour «corruption» pour le seul maire de Levallois-Perret, qui dort depuis un mois en prison.Patrick Balkany a été condamné à cinq ans de prison assortis d’un mandat de dépôt, et 10 ans d’inéligibilité. Son épouse, Isabelle, a quant à elle été condamnée à quatre ans de prison et 10 dans d’inéligibilité. Pour l’ensemble des prévenus, les juges n’ont finalement pas retenu l’infraction de «corruption».
Patrick Balkany, 71 ans, s’y préparait sans doute à la fin de son procès, en confiant sa plus grande crainte : « Quand un homme politique s’arrête, il meurt. » Le 13 septembre, le baron des Hauts-de-Seine avait été condamné à quatre ans de prison pour fraude fiscale et à dix ans d’inéligibilité, sanctionné pour un « indéniable enracinement, sur une longue période, dans une délinquance fortement rémunératrice ». Ecroué à la maison d’arrêt de la Santé, il avait immédiatement fait appel, mais l’examen de sa demande de mise en liberté n’étant prévue que mardi, il avait refusé de quitter sa cellule dans cette même maison d’arrêt, et n’a donc pas assisté au jugement.
Son épouse et première adjointe, Isabelle (71 ans), qui n’a pas assisté au premier procès à cause d’une tentative de suicide au début du mois de mai, avait été condamnée à trois ans, ferme mais sans incarcération immédiate. Elle a aussi interjeté appel.
Le second jugement s’annonçait encore plus risqué pour Patrick Balkany, qui n’a eu de cesse de se poser en «fraudeur passif», simple héritier des lingots paternels. Pour blanchiment et corruption, le Parquet national financier (PNF) avait requis contre lui sept ans de prison, son incarcération immédiate, dix ans d’inéligibilité et la confiscation de tous ses biens. Et contre elle, quatre ans avec sursis et 500 000 euros d’amende. Le couple était soupçonné d’avoir caché 13 millions d’euros d’avoirs au fisc entre 2007 et 2014, notamment deux somptueuses villas, Pamplemousse aux Antilles et Dar Guycy à Marrakech, au Maroc. Au fil des audiences, ils avaient concédé quelques « fautes ». Isabelle Balkany avait, pendant l’instruction, admis avoir acquis grâce à un héritage familial la villa antillaise en 1997,par l’intermédiaire d’une société constituée au Liechtenstein par une fiduciaire suisse.
Le couple a en revanche toujours nié détenir le riad, acquis en janvier 2010 par une SCI marocaine, elle-même détenue par une société-écran panaméenne aux titres au porteur. Et ce, en dépit des peignoirs brodés aux initiales « PB », des livres dédicacés, des meubles payés par Isabelle Balkany. Dans son premier jugement, le tribunal considère que les Balkany auraient dû déclarer les deux villas : il considère donc déjà le riad marocain comme leur propriété.
L’accusation affirme que Patrick Balkany s’est fait offrir cette villa par le milliardaire saoudien Mohamed Al-Jaber en échange de délais de paiements pour les « tours » de Levallois, un juteux projet immobilier qui n’a finalement pas abouti. S’ils se sont écharpés à l’audience, Patrick Balkany et Mohamed Al-Jaber se sont accordés pour nier tout « pacte de corruption ».
Le PNF voyait au contraire un «lien incontestable entre l’acquisition de la maison et le contrat immobilier de Levallois», notamment à travers la «chronologie éclairante» des versements du promoteur saoudien précédant des délais de paiement accordés par la ville. Le parquet avait donc requis de la prison ferme contre le milliardaire, pour avoir «sciemment corrompu un élu de la République», contre l’avocat Arnaud Claude, présenté comme «le pilote de l’opération» marocaine, et contre Jean-Pierre Aubry, alors bras droit de Patrick Balkany, «prête-nom jusqu’au sacrifice» pour son «maître».