Loin d’être satisfaite du jugement rendu par la chambre criminelle près la cour d’appel de Tanger dans le procès Jacques Bouthier, la défense des victimes a décidé de faire appel, dans l’espoir d’obtenir le durcissement des peines prononcées contre les inculpés.
La juridiction tangéroise a condamné, mercredi 17 juillet, à des peines allant de six mois à dix ans de prison les responsables du scandale sexuel impliquant l’ancien patron d’Assu 2000, le Français Jacques Bouthier, et plusieurs de ses collaborateurs au Maroc, à la suite de plaintes déposées en 2022 par d’anciennes employées.
En somme, six Marocains, dont deux femmes, et deux Français étaient poursuivis pour «traite humaine» et «harcèlement sexuel», «incitation à la débauche» et «non dénonciation de crimes tentés ou consommés». Des amendes entre 1 000 et 100 000 dirhams ont été également prononcées par le tribunal.
L’avocate des victimes et présidente de l’Association marocaine des droits des victimes (AMDV), Aïcha Guellaa, a souligné avoir reçu «avec satisfaction le fait que le tribunal ait été réceptif aux arguments sur la commission de crimes de traite d’êtres humains à l’encontre non seulement des victimes déclarées mais aussi d’autres qui n’ont pas déposé plainte pour des considération sociales et culturelles.»
Néanmoins, Mᵉ Guellaa a critiqué le montant des dédommagements décidés par le tribunal : «C’est une chose salutaire d’activer les dispositions de la loi sur la traite humaine dans ce dossier. Seulement, il est regrettable que le montant des dédommagements ne constitue en rien une compensation adéquate aux torts infligés aux victimes, dans la mesure où ces actes sont considéré comme des crimes de grande gravité, en raison de leurs conséquences néfastes aux plans économique, social et psychologique, entre autres. De ce fait, la réparation doit être proportionnelle au préjudice subi.»
«Quelle que soit sa valeur, le dédommagement ne saura jamais réparer le préjudice causé aux victimes, mais le tribunal pourrait, du moins, décider d’un montant à même de les aider à faire face aux frais des traitements psychologiques et à améliorer leur condition sociale, qui a été sérieusement affectée par les agressions sexuelles et la perte d’emploi », a insisté Mᵉ Guellaa, dont l’association suit de très près cette affaire depuis le déclenchement, aux côtés d’autres organisations de la société civile.
Elle a trouvé étonnant que le tribunal accorde 100 000 dirhams aux plaignantes et la même somme au bénéfice de la trésorerie général. Cette situation «n’est pas du tout logique et, par conséquent, le verdict n’a pas établi pleinement les victimes dans leur droit», a-t-elle déploré.
La justice marocaine avait diligenté en 2023 une commission rogatoire en France afin d’auditionner Jacques Bouthier, mis en examen en France pour, entre autres, «traite d’êtres humains» et «viols sur mineure». Septuagénaire, l’ancien PDG du groupe de courtage en assurance Assu 2000 a été libéré sous caution, sous contrôle judiciaire, pour raisons médicales en mars 2023 après dix mois derrière les barreaux.
Il est à rappeler qu’«une note de recherche a été lancée par le procureur général de la Cour d’appel de Tanger contre [M. Bouthier] qui a pris la fuite pour la France», avait souligné l’avocat Abdelfattah Zahrach, membre de l’ADMV.
L’affaire, qui a secoué l’opinion publique, a eu lieu après des plaintes d’anciennes employées déposées en juin 2022 à Tanger. Les faits présumés sont situés entre 2016 et 2022 dans des succursales du groupe français, dirigé à l’époque par Jacques Bouthier. Au total, six plaignantes se sont constituées partie civile. Selon leurs témoignages, leur quotidien était émaillé par des actes de harcèlement sexuel systématique, de menaces et d’intimidations, dans un contexte de fragilité sociale.