Les tensions sur les prix des produits avicoles, qui fluctuent en fonction des mécanismes de l’offre et de la demande, déterrent le rôle néfaste des intermédiaires et des spéculateurs, qui contribuent directement à l’inflation actuelle.
La production marocaine de viande de volaille a atteint 735 000 tonnes en octobre 2024, soit une augmentation de 6 % par rapport à l’année précédente où elle s’élevait à 695 000 tonnes. De plus, la production d’œufs de consommation a totalisé 5,5 milliards d’unités, marquant une hausse de 4 % par rapport à 2023 (5,3 milliards). Cette croissance, cependant, s’accompagne de défis structurels qui ne peuvent être ignorés. Les discussions entre le ministre de l’agriculture, Ahmed El Bouari et les représentants de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA) ont permis de mettre en lumière plusieurs problématiques majeures, notamment la spéculation et les distorsions créées par les intermédiaires dans la chaîne de production et de distribution.
Les professionnels du secteur, réunis lors de cet entretien, ont affirmé que toutes les mesures nécessaires avaient été prises pour garantir un approvisionnement stable et adéquat en viande de volaille et en œufs durant le mois sacré de ramadan 1446 H. Cependant, l’un des éléments clés qui ressort de cette réunion concerne les mécanismes de formation des prix des produits avicoles sur le marché national. La Fédération a souligné que les prix restent largement tributaires aux principes d’offre et de demande. Toutefois, l’action des intermédiaires et leur capacité à manipuler les prix crée des tensions inflationnistes qui pèsent lourdement sur le consommateur.
Les spéculateurs, en particulier, tirent profit des fluctuations des prix, ce qui exacerbe la pression sur les producteurs tout en ne contribuant pas de manière équitable à la stabilité du marché. Afin de remédier à cette situation, les solutions envisagées incluent la promotion de la mise en place de systèmes de regroupement des producteurs et le développement d’une organisation plus cohérente des processus de production. La nécessité d’encourager les systèmes de production écologiques intégrés tout en réduisant les coûts marginaux, est également un axe stratégique évoqué par la Fisa.
Importations et production locale : un équilibre précaire
L’augmentation des importations est un autre indicateur majeur de la situation actuelle du secteur. Les importations d’œufs et de poussins ont enregistré une hausse importante, particulièrement les poussins de viande, dont le nombre a atteint 3,468 millions d’unités à fin octobre 2024, soit une augmentation de 14 % par rapport à l’année précédente. De plus, les importations de poussins de dinde ont également augmenté, atteignant 136 376 unités à fin octobre 2024, soit une hausse de 4 %. Quant aux poussins d’œufs, leurs importations ont connu une hausse spectaculaire de 31 %, atteignant 267 667 unités, ce qui illustre la dépendance croissante du secteur aux importations pour satisfaire la demande intérieure.
Si ces importations contribuent à soutenir l’approvisionnement du marché, elles soulignent également la fragilité de l’autosuffisance du pays dans le secteur avicole. En réponse à ces défis, les autorités marocaines ont mis en place plusieurs mesures pour encourager la production locale, dont l’exonération des droits de douane sur les importations de poussins à un jour. Ce geste s’inscrit dans une démarche de libéralisation du marché mais pourrait également avoir des effets pervers en amplifiant la concurrence étrangère au détriment de la production locale.
La recherche de l’autosuffisance : une priorité nationale
En parallèle, l’accent a été mis sur la nécessité de réduire la dépendance du Maroc à l’égard des importations d’animaux reproducteurs. L’un des projets envisagés est la création de fermes pour l’élevage des reproducteurs (grands parentaux) pour la production locale de poussins. Ce projet vise à renforcer la souveraineté alimentaire et à garantir une production locale pérenne. Le ministre de l’agriculture a, dans ce contexte, affirmé que son département est prêt à soutenir toute initiative d’investissement dans cette chaîne de production stratégique.
L’évolution de la production : de bons résultats malgré certains reculs
Concernant la production locale, l’année 2024 a été marquée par une augmentation de 5 % dans la production de poulets de chair, qui a atteint 391 millions d’unités à fin octobre. Cette croissance est encourageante, mais elle est tempérée par la baisse de la production de poussins d’œufs, qui a chuté de 12 %, passant de 13,6 millions à 11,9 millions d’unités. Cette baisse est principalement attribuée à l’extension de la période d’élevage des poules pondeuses, qui a été prolongée de 75-80 semaines à 90-100 semaines, afin de répondre à la demande de production d’œufs.
Cette baisse dans la production d’œufs fait apparaître un déséquilibre dans la chaîne de production qui pourrait se traduire par une rareté de l’offre sur le marché, surtout à des périodes de forte consommation. La question de l’autosuffisance en matière d’œufs de consommation se pose aussi avec acuité. Le secteur avicole marocain doit également faire face à une série de défis internes, notamment la gestion des fluctuations de prix et la stabilisation de la production locale. L’avenir du secteur dépendra de la mise en œuvre de politiques d’investissement durable et d’une régulation renforcée pour assurer la compétitivité et la stabilité du marché, a-t-on assuré.