Confronté à une gouvernance douteuse, à la crise de la presse et au bouleversement des habitudes de consommation des lecteurs, Akhbar al–Yaoum a pris la décision de ne plus paraître après «une dégradation de ses comptes». Mais la rédaction, «sidérée», rejette cette annonce et assure que le journal «tourne».
À Akhbar al-Yaoum, les manœuvres des actionnaires sèment la pagaille. Lundi, les journalistes étaient encore sous le choc, et échangeaient mails et coups de téléphone sur les décisions à prendre. Seule certitude, l’entourage de Toufik Bouachrine manigance.
La rédaction du quotidien semble comme «sidérée» ce 15 mars. Le rejet par les journalistes de la décision des actionnaires de liquider Akhbar al-Yaoum, fondé en 2009 et qui affronte de graves dissensions, a tonné. Alors que ses dirigeants ont supprimé des dizaines d’emplois et postes de journaliste, dans le cadre d’une «restructuration» qui a touché également «des services commerciaux et marketing», le quotidien réputé proche des islamistes a succombé à une chute des ventes physiques et des revenus publicitaires, mais surtout à une gouvernance chaotique.
L’un des anciens rédacteurs en chef du journal a déclaré, lundi 15 mars, que «le capital de la société Média 21 et la composition de son actionnariat ne peuvent durablement faire l’objet d’intrigues, de décisions à la dérobée, d’injonctions contradictoires et individuelles», appelant à «trouver une issue salutaire et honnête à la situation actuelle tout en préservant les droits des salariés.» Le journal «a visiblement pâti de l’attitude des actionnaires qui ont prolongé le doute sur leurs intentions au-delà du raisonnable et contourné le bon déroulement du quotidien» a-t-il indiqué.
«Akhbar al-Yaoum a connu un coup d’arrêt. Il y a eu une crise quand les journalistes ont découvert sa suspension, car personne n’était au courant en amont. Une partie de la rédaction a mal réagi» nous confie une source proche du dossier. «Lancer cette annonce aussi tranchée, sans avertissement préalable des syndicats, a été le choix provocateur» a-t-on précisé.
Un journaliste qui a demandé l’anonymat, a indiqué à une source médiatique: «c’était un défi pour nous de publier cette version numérique en PDF. Nous étions prêts à faire l’impossible. Jusqu’à ce que nous nous rendions compte que les propriétaires du journal voulaient le dynamiter.»
Le journaliste Younes Maskine, 39 ans, qui a pris le relais après l’incarcération de Toufik Bouachrine jusqu’à son limogeage brutal en février, a posté un message sur sa page Facebook rejetant la version de l’entreprise. Meskine assure que le journal n’a pas été tué par la crise ou la fin des subventions, il «a été exécuté par une décision claire de ses actionnaires.»
Toufik Bouachrine a été condamné en 2019 à 15 ans de prison pour divers crimes à caractère sexuel, tels que le viol et la tentative de viol.