William Bourdon, Vincent Brengarth, Aboubakr Jamaï, Ali Lmrabet, Maati Monjib, Khadija Ryadi : le rôle dangereux que joue ces noms n’est plus un secret pour personne. Une tribune promouvant le droit d’ingérence dans les affaires tunisiennes, diffusée le 10 octobre, en est la preuve.
Le journal Le Monde renoue à sa marotte : s’attaquer au principe de la souveraineté nationale des États et de l’exercice de compétences qui présenteraient un caractère strictement interne, à travers des instruments et des méthodes aux relais colonialistes. Dernière cible en date : la Tunisie.
Dans une tribune au vitriol publiée par Le Monde, signée par William Bourdon, Vincent Brengarth, Aboubakr Jamaï, Ali Lmrabet, Maati Monjib, Khadija Ryadi, entre autres, la Tunisie est décrite comme «en proie à une captation du pouvoir, au service d’une politique réactionnaire, qui appelle une réaction énergique de la communauté internationale.»
Pour les auteurs du texte, «la nomination, le 29 septembre, de Najla Bouden au poste de première ministre, avec un champ de compétences réduit, ne rompt pas avec la dérive autocratique du régime dont elle est, au contraire, le prolongement.» Ils citent, sans les nommer, «de nombreux constitutionnalistes » [qui] s’accordent à dire que rien ne justifie un tel accaparement du pouvoir [par le président tunisien] et une telle mise à l’écart des parlementaires. Ils dénoncent une interprétation délibérément faussée de la norme suprême.»
On le sait, tous ceux qui parlent ou agissent au nom de la société civile sont liés par la plus forte obligation, à la fois de prudence et de devoir, d’éviter de tendre des perches à des interprétations erronées, de brider sévèrement la manie de déclarer agir pour le bien d’un pays alors que ce qui détermine réellement leur action est beaucoup plus discutable. À l’heure actuelle, ces deux salutaires consignes sont ignorées de manière flagrante par le journal Le Monde et ses réseaux.
Les auteurs de la tribune poussent le bouchon encore plus loin en décrivant les mesures du président Saaed comme un «véritable putsch, à la faveur d’une intervention militaire» [qui] «s’est accompagné de mesures censées éradiquer la corruption.» Pour les auteurs du texte, «la captation des pouvoirs à l’œuvre et les mesures employées promettent désormais à la Tunisie le retour à une forme d’âge de pierre intellectuel, rompant avec les idéaux portés par la révolution de 2011», décrivant la Tunisie comme «un pays se dirige peu à peu vers un chaos que lui promet la dérive despotique.»
Les mots sont durs envers le chef de l’Etat, dont «l’instrumentalisation démagogique par [lui] du sentiment légitime de désenchantement s’inscrit dans la lignée des régimes populistes qui, au nom de la défense des intérêts du peuple, court-circuitent ou anéantissent tous les contrepouvoirs et foulent aux pieds l’intérêt public. Non seulement la démocratie est mise en sommeil en Tunisie, mais, plus encore, ce durcissement autoritaire s’accompagne d’une lente régression des droits individuels. La communauté internationale ne doit plus détourner son regard. Elle doit affronter la réalité d’un régime qui sombre dans un césarisme qu’il est encore possible de freiner».
Depuis quelques moins, les colonnes du Monde abritent des tribunes sensationnalistes contre d’anciennes colonies françaises. Avec la même stratégie : faire intervenir des personnalités sulfureuses, scruter les exceptions, et en faire la mesure effective des intentions qu’elles contiennent, présenter la réalité comme étant pire qu’elle ne l’est ; avec des expressions souvent employées de manière condescendante. Et on le sait très bien, quand l’orientation générale des événements du Maghreb et le cours de l’histoire de cette région dans le long terme pourrait ne plus dépendre de l’action et du raisonnement de Paris, on pointe les défaillances des actes de ces pays ou les discours que leurs hommes d’État. Rien n’est imprudent que de donner une coloration de justesse aux innombrables idées fausses qui circulent sur le caractère des nations et leur politique en tant que peuples.