Le parti islamiste PJD, à la tête du gouvernement marocain depuis une décennie, a essuyé une défaite historique lors des élections législatives au profit de partis considérés comme sers rivaux directs.
Le scrutin du 8 septembre a été un choc pour le Parti de la justice et du développement (PJD,) s’est effondré, passant de 125 sièges dans l’assemblée sortante à 12, a indiqué jeudi le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit.
Le Maroc, cette fois, a évité le piège d’une polarisation malsaine entre les islamistes du PJD et le RNI. Il faut dire que depuis 2016 surtout, toute une série de rumeurs, d’affaires et de scandales de diverses envergures et touchant des registres variés ont éclaté au grand jour, démontrant le visage sombre d’un PJD aux principes flottants.
Le vote populaire a sanctionné un parti qui a négligé la transformation structurelle de l’économie marocaine, la promotion du secteur industriel, l’emploi, la croissance. Le plan d’accélération industrielle 2014-2020 (PAI), qui a permis de lancer 54 écosystèmes englobant 14 secteurs industriels, n’a pu prendre son essor qu’avec le concours de plus de 30 associations et fédérations professionnelles.
Le PJD n’a jamais pu bâtir une majorité homogène. Il a donc dû composer avec une coalition hétéroclite et instable marquée par des dissensions majeures sur nombre de sujets. Les observateurs politiques se souviennent d’un El Mostafa Ramid boudant quatre réunions d’affilée du conseil de gouvernement en raison de la non-publication du Plan d’action national en matière de démocratie et des droits de l’homme au Bulletin officiel, malgré la situation difficile du pays qui exigeait une action gouvernementale apaisée. Mi-2020, les Marocains ont été choqués de constater qu’un ministre qui préside la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) et Ramid lui-même se sont dispensés de l’obligation de déclarer leurs propres salariés sans qu’ils démissionnent.
La dernière sortie de l’ex-chef du gouvernement a été catastrophique : les Marocains découvrent un homme plus à l’aise dans son rôle d’homme politique rompu aux joutes verbales indécentes avec les adversaires de son parti que dans celui d’un ancien responsable de premier plan censé défendre le bilan du PJD et soumis à un certain devoir de réserve.
Selon des résultats finaux, après dépouillement de 100 % des bulletins, le PJD arrive loin derrière ses principaux rivaux, le Rassemblement national des indépendants (RNI), le Parti Authenticité et Modernité (PAM), et le vieux Parti de l’Istiqlal, qui ont totalisé respectivement 102, 87 et 81 sièges (sur 395).
Résultat: la direction du parti, décriée, a pris «toute sa responsabilité politique» et présenté sa démission jeudi après-midi, y compris le secrétaire général et chef du gouvernement sortant, Saad-Dine El Otmani. Ce dernier n’a pas été réélu député dans sa circonscription à Rabat.
Le PJD va désormais basculer dans l’opposition, sa «position naturelle», selon un communiqué de cette formation.
«Une nouvelle séquence s’ouvre avec des partis qui ne contestent pas les fondements du pouvoir», a déclaré le politologue Mustapha Sehimi.
L’ampleur de la défaite des islamistes est inattendue. Médias et analystes pensaient que le PJD figurerait dans le peloton de tête. Longtemps cantonné dans l’opposition, le PJD espérait briguer un troisième mandat consécutif à la tête de l’exécutif.
Il reviendra au roi Mohammed VI de nommer le nouveau chef du gouvernement, issu du parti arrivé en tête. Le taux de participation a atteint 50,35% au niveau national, selon le ministère de l’Intérieur, contre seulement 43% lors des législatives de 2016. Aux dernières élections locales en 2015, il était de 53%.
C’est la première fois que les quelque 18 millions d’électeurs choisissaient leurs députés le même jour que leurs représentants communaux et régionaux. Pour la première fois depuis les premières élections au Maroc (1960), la répartition des sièges à la Chambre des représentants était calculée sur la base du nombre d’électeurs inscrits et non de votants. Une loi contestée par le PJD mais qui a finalement sauvé sa tête.