Le chantier de la régionalisation avancée est un chantier structurant et stratégique, a dit le roi Mohammed VI dans son discours adressé aux participants aux premières Assises nationales de la régionalisation avancée, qui ont ouvert leurs travaux le 20 décembre à Agadir.
Ils étaient plus de 1.400 participants à prendre part, les 20 et 21 décembre, à la première journée du premier colloque national de la Régionalisation avancée à Agadir. Dans une situation où les dynamiques économiques et territoriales évoluent rapidement à la fois dans plusieurs domaines et dans une société en pleine mutation, la gouvernance régionale est un nouveau mode de régulation collective, qui correspond aux enjeux mondiaux et provient d’un surpassement des systèmes institutionnels formels hérités au profit d’une nouvelle vision où les responsabilités sont partagées entre l’État et les régions. Au niveau conceptuel, la gouvernance régionale est un processus qui vise à la fois à résoudre les problèmes liés aux inégalités régionales et territoriales et à améliorer les conditions de vie des populations. Il s’agit donc d’une stratégie intégrée pour soutenir la cohésion et le développement régional afin d’encourager la croissance et la promotion de l’emploi.
Quant au concept de régionalisation, il s’agit d’un «processus qui implique des représentants des populations dans la prise de décision, ainsi que dans la mise en œuvre ou la gestion des opérations sous la responsabilité de l’État». L’objectif est d’assurer une meilleure adaptation des politiques aux réalités locales ou régionales.
Dans le cadre de la gouvernance régionale, la région qui se situe comme un niveau intermédiaire entre le national et le local, et est considérée comme le niveau le plus approprié de mise en œuvre des politiques territoriales. Dans le cadre de la nouvelle constitution marocaine de 2011, la régionalisation avancée constitue un nouveau système de gouvernance décentralisée, dédié au développement intégré et durable selon des facteurs économiques, sociaux, culturels et environnementaux. En ce sens, elle constitue un levier de changement important, en vue de l’instauration de nouvelles relations entre l’État et les régions, à travers un partage plus équilibré des pouvoirs et des ressources financières. La création de deux fonds qui consacrent ces objectifs, à savoir le Fonds de mise à niveau sociale et le Fonds de solidarité publique, s’inscrit dans une démarche de gouvernance financière.
Le Fonds de mise à niveau sociale, créé en vertu de l’article 142 de la Constitution, vise à réduire le déficit de développement humain, d’infrastructures et d’équipements, en particulier dans les domaines suivants: eau potable et électricité; habitat insalubre; éducation aux soins de santé; le réseau routier et les télécommunications. Ces secteurs constituent la base des droits fondamentaux mesurés dans l’IDH et préconisés pour établir la croissance économique et le bien-être social des populations. Le Fonds public de solidarité se préoccupe de la solidarité horizontale et de la correction des disparités entre régions.
La question de la gouvernance financière est au centre de tout projet de développement. À ce stade, tout est question de savoir comment la gouvernance financière régionale peut-elle se tourner vers une régionalisation avancée à même de réduire les inégalités régionales et de réaliser le développement économique et social attendu. La régionalisation avancée n’est pas l’idée d’un seul homme, ni un concept particulier, mais une sorte de production collective et coordonnée. La conception politique de la gouvernance implique l’existence d’un processus de gestion politique et publique fondée sur une répartition équitable des ressources permettant son exercice effectif pour atteindre les objectifs fixés.
Un autre aspect de la gouvernance territoriale concerne les préoccupations environnementales. L’adoption de stratégies de développement ne doit en aucun cas affecter la disponibilité des ressources ni participer à leur réduction ou destruction. De la gouvernance politique à la gouvernance territoriale, la gouvernance financière occupe une place spécifique, notamment en matière de partage des attributions et des ressources financières entre l’État et les collectivités locales. Dans la continuité des transitions institutionnelles de la décentralisation, la gouvernance financière présente un levier de changement, d’un système administratif décentralisé à une situation de développement économique et social local.
L’adoption du projet de régionalisation avancée, en 2015, s’inscrit dans un nouveau modèle de gouvernance et d’intelligence territoriale, centré sur le développement et la réduction des inégalités, notamment en termes d’accès aux services de base et de développement humain. Il fait référence aux possibilités de développement régional en ce qu’il en fait le niveau le plus approprié pour réaliser un développement territorial intégré. Cependant, le manque de ressources financières par rapport aux nouvelles compétences transférées aux régions reste la véritable contrainte qui pourrait compliquer l’avancement de ce projet et aggraver le problème des disparités régionales. Le succès de cette réforme passe bien entendu par le renouvellement des approches budgétaires régionales.
Au Maroc, la croissance économique régionale révèle une hétérogénéité remarquable dans le développement des différentes régions. La question des disparités renvoie généralement aux «enjeux urbains» L’identification et la compréhension des causes originelles des disparités régionales permettent de trouver les bonnes solutions.
Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a déjà démontré que les inégalités régionales persistent et que les disparités de PIB entre régions se sont accentuées. Les indicateurs reflètent la concentration de la richesse nationale dans les deux régions de Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kenitra, qui génèrent près de la moitié de la richesse nationale (48,2% du PIB), avec respectivement 32,2% et 16%. La région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Fès-Meknès, Marrakech-Safi, Souss-Massa, Béni Mellal-Khénifra ont créé 40,4% du PIB, avec 10,1%, 9%, 8,9%, 6,5% et 5,8% respectivement pour ces cinq régions. L’Est, le Drâa-Tafilalet et les trois régions du sud n’ont contribué que de 11,3% à la création de PIB en valeur, avec respectivement 4,8%, 2,6% et 3,9%. Dans ces conditions, la péréquation financière est un mécanisme adopté pour le but de réduire les inégalités entre collectivités locales appartenant au même niveau d’administration. L’objectif est de réaménager le territoire de manière plus homogène et juste, à travers une redistribution plus équitable des revenus financiers.
L’objectif principal de la création des deux fonds précités est de réduire les manquements qui concernent des secteurs spécifiques, ayant une relation directe avec le développement humain et profondément ancrés dans les domaines de compétence des régions, dans une logique de solidarité et d’atténuation des disparités régionales.
Les collectivités locales selon la nouvelle vision, devraient être le centre de mise en œuvre de la politique générale de l’État. L’objectif est d’assurer une véritable autonomie régionale pour répondre aux besoins de la population. L’élaboration et l’évaluation de la décision publique nécessitent la participation des citoyens à ces processus, ce qui facilitera l’identification et la satisfaction de leurs besoins d’une part, et donne plus de légitimité aux actions des acteurs publics, d’autre part. Au cours des dernières décennies, les finances locales ont été au centre des politiques territoriales. La bonne gouvernance locale ou régionale consiste en un partage des responsabilités conformément aux principes de contractualisation et de partenariat et dans une logique de complémentarité des politiques et des stratégies. Il s’agit également de faire interagir les citoyens dans la prise de décision et d’impliquer une multitude d’acteurs privés dans tous les projets de développement régional.
L’adoption d’une nouvelle constitution en 2011 a consacré une large place à la régionalisation avancée en tant que système d’organisation administrative. La région présente le cadre approprié pour la mise en place de politiques publiques, introduisant de nouveaux rapports qui rompent avec l’ancienne structure hiérarchique qui prévalait. Après la mise en œuvre de la régionalisation avancée, le renforcement du système financier des régions est devenu une nécessité. Elle nécessite un partage plus équilibré des pouvoirs et des ressources financières entre l’Etat et les régions
La soutenabilité des finances publiques est un axe très important qui reflète la solvabilité de l’État et conserve une marge budgétaire suffisante pour le financement des actions publiques. Afin de maintenir l’équilibre, il est nécessaire dans le cadre de la régionalisation avancée d’adopter de nouvelles stratégies pour les finances régionales. Plusieurs principes peuvent être adoptés pour parvenir à une responsabilité partagée, les plus importants sont: l’encouragement des régions à élargir l’assiette fiscale et à développer leurs propres recettes fiscales, à renforcer leurs possibilités d’emprunt, à mobiliser et à rationaliser des ressources financières alternatives, etc. les principes sont autant d’atouts auxquels sont confrontés les budgets des régions, mais qui peuvent améliorer les finances régionales sans alourdir la charge financière de l’État.
Dans l’ensemble, les régions doivent assumer la responsabilité d’améliorer leurs propres ressources et d’élaborer leurs stratégies de développement. En effet, l’encouragement à l’investissement, la création de richesse et le développement économique régional sont des éléments essentiels. En conséquence, la réalisation du développement régional est largement liée à la croissance économique qui nécessite la mise en place d’une gouvernance financière régionale efficace et l’allocation d’une plus grande autonomie aux régions.