Les derniers discours royaux ont insisté sur l’importance du développement du secteur privé. Pas plus tard qu’en octobre, le discours du Roi Mohammed VI à l’occasion de l’ouverture de l’année législative le 11 octobre dernier, a appelé le secteur privé à remplir pleinement le rôle qui lui est dévolu dans la stimulation de l’économie nationale. Selon la dernière enquête du Haut Commisariat au Plan (HCP) sur l’environnement économique de l’entreprise, les directives royales sont loin d’avoir été entendues par les responsables.
Le Roi, à travers son discours, à émis des directives claires pour inciter les banques à jouer un rôle citoyen et éthique en accompagnant les jeunes entrepreneurs, les PME et les TPE. Les banques doivent faire le nécessaire pour intégrer ces groupes dans le système bancaire puisque le discours du Roi a insisté sur l’importance d’encourager les jeunes de façon effective et pratique en ouvrant les canaux de financement, principal handicap qui se dresse face aux jeunes. Selon la dernière enquête du HCP, 7 entreprises sur 10 n’ont pas accès aux crédits bancaires, dont la majorité sont des TPE. Des chiffres particulièrement négatifs quand l’on sait que 93% du tissu économique marocain est fait de très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) et seulement 7% de grandes entreprises.
Parmi les causes de cette difficulté d’accès au financement, la cherté de l’argent et des garanties exigées par les institutions financières. L’enquête du HCP a recensé 2.101 entreprises dans différents secteurs dont le 1/3 a affirmé qu’il était davantage difficile d’accéder à du financement bancaire ces 3 dernières années. Il s’agit d’un cercle vicieux, les créances se portent mal et, entre les banques et les TPE sévit une réelle crise de confiance à cause du manque de garanties suffisantes pour avoir accès au crédit auprès du secteur bancaire, mais aussi de nombreux impayés. Les défauts de paiement n’ont fait que s’accroître ces deux dernières années dans le rangs des petites entreprises, ainsi, les banques font plus confiance aux grandes entreprises en matière d’octroi de financement.
Selon les données de l’enquête du HCP, il s’avère que 63% des TPE et 52% des PME sont insatisfaites des services proposés par les établissements bancaires, contre 33 % du côté des grandes entreprises, ce qui démontre la disparité qui sévit. Le HCP ajoute que seulement 27% des TPE ont demandé un crédit puisque celles-ci trouvent que le taux d’intérêt est trop élevé pour elles, puisqu’il est de 40%, en plus des nombreuses garanties demandées. Des données peu encourageantes, du fait que les TPE ne sont, de ce fait, pas encouragées à l’investissement, ce qui freine réellement leur capacité au développement puisque, plus une entreprise investit, plus elle grandit. A fin septembre 2019, le nombre de TPE clientes du secteur du microcrédit a atteint 4.916 entreprises, c’est une première, certes, mais les TPE demeurent une minorité dans le portefeuille des emprunteurs actifs, bien qu’ils aient enregistré une hausse de 71% en glissement annuel pour un encours de 148,81 millions de dhs. Une nouvelle mesure devrait être activée par les Associations de microcrédit, qui pourra hausser le plafond des prêts à 150.000 dhs.
Cette difficulté d’accès au financement se répercute également sur plusieurs aspects de la gestion de l’entreprise, notamment celui du recrutement. Le HCP a examiné les déclarations de recrutement des entreprises ces 3 dernières années, et en a conclut que 90% des grandes entreprises ont déclaré avoir recruté, suivies de 70% des PME, et seulement 38% des TPE. L’écart est béant, non seulement dans les chiffres, mais aussi dans le type de profils recrutés. Ainsi, si les grandes entreprises recrutent des profils de haut niveau comme des cadres ou des ingénieurs, les plus petites se contentent de techniciens et d’ouvriers spécialisés. Le fait que 71% des recrutements se font pour remplacer les départs et 64% se font suite à l’expansion de l’activité, témoigne donc de la difficulté qu’ont les TPE à garder leur place de moteur de l’emploi.
L’enquête du HCP ajoute que la fiscalité est également l’un des obstacles qui guettent les entreprises, bien que dans ce cas, il n’y ait aucune différence entre grandes ou petites entreprises puisque toutes font l’objet de contrôles fiscaux et de redressements. Ainsi, 60% des entreprises jugent que le système fiscal actuel est « contraignant » et 95% voient qu’il s’agit là d’un article décourageant à l’investissement. La rigidité du système fiscal confère donc un milieu propice aux pratiques informelles.
A cet égard, la question de l’investissement et des TPME a été un grand axe du PLF 2020. Le ministre de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, Mohamed Benchaâboun, a annoncé la mise en place du «Fonds d’appui au financement de l’entrepreneuriat», dont l’objectif est de mobiliser une enveloppe budgétaire de 6 milliards de dhs sur les 3 années à venir, pour accompagner le développement du tissu entrepreneurial et des TPME. Dans les détails, le Ministère s’engage à mobiliser 3 milliards de dhs, alors que les 3 milliards restants seront financés par Bank Al-Maghrib (BAM) et le Groupement Professionnel des Banques du Maroc (GPBM).
Une manière de pousser le secteur bancaire à devenir un réel moteur de développement de l’investissement national, et de permettre aux TPE de contribuer au développement de l’économie nationale en se concentrant sur l’emploi et la jeunesse porteuse de projets. En attendant d’en voir les fruits, bien que le problème ne réside pas dans les montants de financement, mais la difficulté d’y accéder. Ainsi, triste réalité est que, les ministères auront beau instaurer des programmes d’encouragement et d’accompagnement, le souci est que les banques et le fisc sont plus contraignants qu’encourageants.