À son insu, Soulaiman Raissouni prétend que l’intérêt public peut être sacrifié au nom de quelques intérêts particuliers. Depuis sa sortie de prison, il déroule, à l’appui d’accusations spécieuses, des thèses sans aucun fondement. Retour sur les fariboles d’un accusé qui n’inspire aucune importance.
Le monde du commissaire officieux Soulaiman Raissouni est saisissant. Lors d’un entretien étendu avec un média en ligne, le quinquagénaire récemment gracié a débité une série de fausses vérités avec un air cavalier. Placé en détention préventive le 22 mai 2020 à la prison d’Oukacha, à Casablanca, pour «viol avec violence et séquestration», Raissouni regrette de ne pas avoir profité d’une mise en liberté temporaire puisque «toutes les requêtes de présence auraient été honorées». Parole de celui qui a remis en cause tous les actes de la procédure, dénié les obligations qui lui ont été imposées, satisfait rarement aux obligations du processus judiciaire lié à son affaire.
Concéder une interview à El Independiente sans vérifier les tendances politiques antimarocaines du journal ? Interrogé, Raissouni a refusé de se dissocier des propos offensants du prosélyte pro-Polisario Francisco Carrión contre les journalistes marocains, mais a préféré blasphémer contre l’avocate Aïcha Guella, présidente de l’Association pour les droits des victimes (AMVD). Raissouni reproche «à un pan de l’État profond» sa rudesse, «l’acharnement peu motivé de ses poursuites», et son penchant «à confondre tout sous le nom d’intérêt général». «Des supports médiatiques ayant une mission particulière de rigueur ou de vengeance.» Quant aux faits, ils étaient amenés sur le terrain des accommodements et des transactions tacites.
«J’ai proposé de mettre fin à ma carrière de journaliste si Toufik Bouachrine recouvre la liberté» : Qu’est-ce qui pousse «un critique du pouvoir» attaché à «sa liberté de ton» à tout sacrifier pour son ancien employeur condamné à quinze ans de prison pour «viol», «traite des êtres humains» et «agressions sexuelles» à l’encontre de plusieurs femmes ?
La fausseté des insinuations émises par Raissouni est aisée à démontrer. Citons l’Agence France-Presse (AFP), une référence incontournable : Soulaiman Raissouni «avait *boycotté* son procès en première instance, de février à juillet 2021», «a semblé *en bonne santé* après avoir engagé une grève de la faim» de 122 jours (un miracle). Tout ce que l’ancien journaliste a réfuté lors de sa dernière sortie sans être contredit. Fait unique dans les annales judiciaires, une personne soupçonnée de viol obtient l’appui d’un «comité de soutien local», de Reporters sans frontières (RSF), d’Amnesty International (AI), du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), de Human Rights Watch (HRW), etc. Quant aux «avocats [qui] avaient alerté sur [son] état de santé et [ses] conditions de détention», c’est une autre histoire.
«Je n’ai réclamé aucune assistance internationale dans le cadre de mon affaire», a-t-il argué : Kholoud Mokhtari a probablement un autre avis sur le sujet. En juillet 2023, Reporters sans frontières (RSF) a «demandé» au roi Mohammed VI de gracier Omar Radi, Soulaiman Raissouni et Taoufik Bouachrine, condamnés pour de graves délits sexuels. Requête téléguidée par l’ancien secrétaire général de RSF, Christophe Deloire et ses relais au Maroc.
Aucun mot sur sa victime, le militant LGBTQ — qui s’est constitué partie civile — lequel a uniquement plaidé pour son «droit à la justice» et pour avoir la chance d’évoquer librement son affaire.
En juillet 2023, la Cour de cassation du Maroc, la plus haute instance judiciaire du pays, avait rejeté le pourvoi de Raissouni, confirmant sa condamnation à cinq ans d’emprisonnement. Une autre mystification a été déterrée : Raissouni n’a pas contesté la saisie par l’administration pénitentiaire de ses échanges avec l’écrivain ukrainien Andreï Kourkov, supposés contenir «des propos injurieux et diffamatoires et de fausses informations», mais s’est insurgé contre la prétendue confiscation d’un projet de roman sur «le quotidien des travailleuses du sexe pendant la pandémie de la Covid-19.»
Soulaiman Raissouni a beau s’armer de toutes les phrases, de toutes les expressions plus ou moins emportées, plus ou moins déplacées, la justice a parlé au nom de lois qui n’ont aucune concession à faire ni à demander. L’enceinte des tribunaux est le lieu de l’impassibilité et de la règle. Au lieu de respecter la stature des juges, l’intervention des jurés, les règlements de la procédure, lui et son entourage ont préféré politiser une affaire de droit commun, épaulés par des parties étrangères.