Le 18 janvier, les opposants d’El Habib Choubani, président du conseil de la région de Drâa-Tafilalet, ont tenu une rencontre pour évoquer le bilan de son appareil en place depuis 2015. Constats accablants.
La métaphore, lancée par un des présents, a fait sourire : El Habib Choubani franchit allègrement les frontières sans solliciter de visa auprès des responsables des aires parcourues. Voyageur malhabile, muni pour tout viatique de ses arguments seulement, il affiche “zéro bilan” et de multiples dérives : clientélisme, marchés suspects, procédures complexes, règles contournées, inégalités spéciales et territoriales, etc.»
Samedi 18 janvier. Hôtel de ville, Errachidia. Les cadors de la région de Drâa-Tafilalet étaient là : Saïd Chbaâtou (RNI), Lhou Marbouh (PAM), Aaddi Chajri (PPS), Abderrahman Drissi (MP), Omar Zaim (PPS) et d’autres. Tous rivalisaient de détails sur le «style» d’El Habib Choubani : son «amateurisme», son «empressement», son «attitude autoritaire» étaient dénoncés pêle-mêle. «Agitation», «incompétence», «désir de décider de tout» est la matrice de ce qui est désormais décrit par certaines voix comme une tendance à «l’autodestruction», et, à cause de responsables comme Choubani, «la politique tombe de plus en plus en déshérence aux yeux de l’opinion publique», a-t-on déclaré.
L’accès du responsable islamiste à la plus haute marche de la région de Drâa-Tafilalet n’a pas entraîné de bienfaits sur son fief. Cette rencontre est une «obligation morale imposée par la conscience qui nous anime» a-t-on déclaré, «afin de susciter des réactions de correction.» Les grandes lignes du budget 2020 (dotation de la région, dépenses de fonctionnement, d’investissement, d’entretien des territoires) sont décidées par Choubani seulement, raison pour laquelle il n’a pas été ratifié, a-t-on déploré.
L’opposition au sein du conseil de la ville de Daraâ Tafilalet a révélé, lors de ses interventions, samedi, que M. Choubani est empêtré dans de multiples affaires et scandales politico-financiers qui ont agité le landerneau régional ces dernières années, qui font ou feront l’objet de plaintes devant la justice en raison de leur gravité. «Point de lisibilité budgétaire, les conditions de la répartition des fonds et la destination des crédits sont opaques» a-t-on dénoté. Aaddi Chajri, conseiller du PPS, a indiqué que son retrait du bureau de la région est intervenu après le «coup d’État du président contre le code d’honneur» qui encadre les composantes de la majorité, ajoutant que le président, au lieu de consulter la majorité, «prend ses décisions unilatéralement. » Chajri s’étrangle : «Il est extrêmement absurde que le président prépare le budget et l’ordre du jour individuellement. La projection du budget 2020 a été élaborée sans débats, sans esquisses de réflexion, sans refléter les opinions de la majorité, soulignant que le groupe des 24 (qui comprend les groupes d’opposition au conseil) s’est réuni «non pour entraver la marche du développement, mais pour juger l’action du président.» L’opposition réclame «une refonte du budget pour tenir compte de ses recommandations et de renforcer les pouvoirs de contrôle, sur pièces et sur place.»
Lhou Marbouh, conseiller du PAM, a déclaré que Choubani refuse tout arbitrage, distribuant les pouvoirs et les ressources selon un équilibre défini par lui-même. Il a déclaré que la justice «examine une plainte précédemment déposée par l’opposition, et que «nous n’attendons que les rapports de 2017 et 2018 qui contiennent de graves violations, pour remplir notre devoir d’opposition». Les corps intermédiaires «ne fonctionnent pas avec une logique partisane concernant les problèmes de la région, et que les projets lancés ne seront pas affectés par le non-vote du budget», a-t-il souligné, affirmant que le président dispose de «fonds pour gérer ce qui reste de son mandat», critiquant «la politique de distribution des projets» poursuivie par Choubani et son exclusion de certains groupes. «Depuis ma démission de la commission des finances en 2016, mon poste resté vacant, l’adjoint de Choubani gère les affaires courantes et c’est une violation de la loi» dévoile Marbouh.
Saïd Chbaâtou, du RNI, a déclaré que Choubani devait être président pour tous, et pas seulement de la majorité. «Son autoritarisme est un trait intrinsèque, structurel, de sa gestion. Mustapha El Omari du RNI, qui a récemment rejoint l’opposition, a déclaré qu’il avait invité le président du conseil à assister à cette réunion, mais qu’il avait «choisi de fuir à nouveau et de cacher la vérité à la population», ajoutant que «Choubani ne veut pas instruire les habitants sur le sort de leur argent.» El Omari a évoqué ce qu’il a qualifié d’«actions irresponsables» du chef du conseil, comme le décaissement de 270 millions de dirhams dédiés au «transport sportif», ajoutant que le président a refusé de divulguer toute information ou tout document en relation avec ces fonds, en plus de deux subventions de 80 millions de dirhams en 2016 et de 50 millions en 2017, accordées à une société. Le même responsable a dévoilé que Choubani puise dans les fonds publics pour financer ses frais de déplacement. «Ce dernier a suggéré la création d’une compagnie aérienne privée dans la région au lieu de traiter avec la RAM, ce qui a soulevé la surprise des membres du conseil.»
Et de conclure «Nous postulons que le changement dans la région de Draâ Tafilelt doit être pensé en termes de démocratisation, d’émergence possible de conjonctures politiques “optimales”. Les données dont nous disposons ne montrent aucune tendance à la rationalisation des moyens et à l’optimisation des dépenses de la région.»