Dans une lettre adressée au Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), le bâtonnier du barreau de Casablanca pointe du doigt les discordances et les contradictions entre les versions en arabe et en français des documents produits par le secteur bancaire quant à la procédure de report des échéances des crédits.
Hassan Birouaine, bâtonnier du barreau de Casablanca, a envoyé un courrier, le 30 mars dernier, au nom de l’Orde des avocats de Casablanca, au président du GPBM, Othman Benjelloun, pour lui faire part de quelques observations quant à la formulation de deux documents émis par le secteur bancaire. Il s’agit du document sur les principales mesures proposées par les banques pour soutenir les ménages et les entreprises en difficulté ainsi que de la demande de suspension des échéances de crédit fournie par les banques à leurs clients.
S’agissant du document sur les principales mesures proposées par les banques pour soutenir les ménages et les entreprises en difficulté, le document ne mentionne ni la date de son entrée en vigueur ni la période couverte par les mesures qui y sont proposées. De plus, le document prévoit parmi les prérequis, devant être remplis pour le report d’échéances des crédits amortissables, « la suppression pour les reports accordés dans ce cadre de la disposition réglementaire de la loi de protection des consommateurs, prévoyant un délai de rétractation de 7 jours ».
Dans ce contexte, l’Ordre des avocats de Casablanca indique que « la disposition réglementaire prévue par l’article 36 de la loi n°31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, qui prévoit un droit de rétractation de sept jours ne pourrait recevoir application dans la mesure où, il s’agit d’une disposition d’ordre public tel que prévu par l’article 44 de ladite loi et ne peut à cet effet ni faire l’objet de suppression ni être écartée d’un commun accord des parties ».
Quant à la demande de suspension des échéances de crédit fournie par les banques à leurs clients, l’Ordre des avocats de Casablanca constate une discordance entre la version arabe et la version française de la demande. Il relève également une contradiction quant aux modifications susceptibles d’impacter le contrat de crédit. En outre, la terminologie utilisée dans les deux versions n’est pas la même aussi bien au niveau de l’objet de la demande, que dans le corps du texte. La version française évoque « la suspension des échéances » alors que la version arabe fait référence au report تأجيل استحقاقات قرض. Cette différence de terminologie pourrait donner lieu à des contradictions et interprétations de ces demandes et à des écarts dans leur application. « Il serait à notre sens, préférable de modifier la version arabe pour la rendre conforme à la version française de la demande et reprendre la même terminologie et à laquelle il est fait référence dans l’article 149 de la loi n°31-08 », est-il indiqué.
Par ailleurs, le quatrième paragraphe de la demande de suspension des échéances de crédit comporte une contradiction quant aux modifications susceptibles d’impacter le contrat de crédit. « L’esprit de la demande de suspension des échéances est d’accorder à l’emprunteur la possibilité de bénéficier d’une suspension provisoire de ses obligations, tout en maintenant les mêmes conditions, sauf en ce qui concerne la durée qui sera prorogée de la même période de suspension. Seulement, ce paragraphe revient sur tout ce montage en obligeant l’emprunteur à accepter toutes les modifications ultérieures, dont notamment le montant des échéances. Une telle condition viderait le processus de tout sens d’autant plus que, selon l’article 149 de la loi n°31-08, que les tribunaux appliquent de manière fréquente, accorde à l’emprunteur, dans pareils cas, le droit de solliciter la suspension judiciaire de ses obligations, sans que cette mesure ne puisse impacter le montant des échéances », explique Me Hassan Birouaine.
Dans ce cadre, le bâtonnier du barreau de Casablanca estime qu’il serait judicieux de prévoir dans le modèle de demande de suspension deux options et de laisser la possibilité aux clients de cocher la case se rapportant à ces options. La première concernera le cas du maintien du montant de la mensualité, tout en augmentant la durée du contrat. Dans ce cas, il faudrait clairement stipuler que toutes les conditions du crédit demeurent inchangées, sauf la durée qui sera augmentée d’une durée égale à la période de suspension 2. La seconde option concernera les clients soucieux de préserver la même durée initiale du contrat. Dans ce cas, il faudrait bien évidemment revoir le montant des échéances, mais là encore, d’un commun accord entre les deux parties, de façon à se référer à des modalités de calcul simples et claires afin de répercuter, de façon élémentaire, la durée de la suspension sur le montant des échéances.






