Aujourd’hui, 17 octobre, signe le coup d’envoi de l’exposition « Trésors de l’islam en Afrique, de Tombouctou à Zanzibar », un voyage entre les cultures de l’islam en Afrique subsaharienne, à bord de 250 productions artistiques mettant en exergue 13 siècles d’histoire et organisée conjointement par l’Académie du Royaume du Maroc, en partenariat avec l’Institut du Monde Arabe, le Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports et la Fondation Nationale des Musées .
L’exposition « Trésors de l’islam en Afrique, de Tombouctou à Zanzibar » est une célébration de l’art de l’histoire africaine, à travers un passé glorieux fait d’épopées et de réalisations. Elle vise à éclairer un bout méconnu de l’histoire de l’Afrique et son Islam, et pour ce faire, l’exposition s’articule autour de 3 axes : les chemins de l’Islam, les gestes du sacré et les arts de l’Islam au Sud du Sahara. L’exposition est ouverte au grand public à partir d’aujourd’hui, 17 octobre 2019 jusqu’au 25 janvier 2020, sur les trois sites de l’exposition précités : le Musée d’Art moderne et contemporain de Mohammed VI, Bab Rouah, et Bab El Kebir, et met en lumière 250 oeuvres artistiques et patrimoniales venues d’ici et d’ailleurs.
Les chemins de l’Islam
L’Islam commencera à gagner l’Afrique dès le 8ème siècle. Au début, les flux commerciaux seront le premier facteur d’islamisation, surtout au sud du Sahara. Ensuite, au fur et à mesure que la religion s’installera, des routes de pèlerinage et des centres de savoir s’érigeront. La première exposition, chemins de l’Islam, exposée au Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain, relate cette partie de l’histoire. Elle raconte la manière de laquelle les routes commerciales entre l’Egypte et la Somalie ont favorisé l’évolution d’une culture islamique encore nouvelle sur le continent africain. L’adoption de l’islam par les pouvoirs politiques succède à une lente progression par le biais des axes commerciaux. Le 15ème siècle témoignera de l’épanouissement de centres intellectuels musulmans au sud du Sahara, favorisant l’enseignement de l’islam et la transmission du savoir. Puis au 19ème siècle, certaines régions seront le théâtre de grands djihads.
L’adoption de l’Islam en Afrique a toujours relevé d’un emprunt volontaire, qui a permis à ce grand continent d’établir des relations commerciales avec un grand nombre de partenaires lointains, établis notamment autour de la mer Rouge, l’Océan Indien, et le Sahel. Les sociétés subsahariennes se sont ainsi saisies de l’islam en connaissance de cause. La religion leur permet de s’insérer dans un réseau mondialisé et d’établir des contacts avec des partenaires lointains. Ancrées dans un monde plus vaste, les élites renforcent leur position sociale et leur pouvoir dans la société locale. Les révolutions jihadistes ont eu pour but, à cette époque, de régénérer l’Islam et de refonder la légitimité politique des Etats. Dans un contexte actuel marqué par la prolifération d’incidents terroristes, la différence entre aujourd’hui et hier réside dans le fait que les révolutions jihadistes d’antan reposaient sur des exigences intellectuelles et spirituelles visant à produire des sociétés moins inégalitaires.
Les œuvres qui en témoignent le long de cette exposition, montrent que les racines spirituelles du jihadisme ont été exposées la première fois à Paris, dans un pays marqué par les incidents terroristes. Intervenant à ce propos, Jack Lang estime que « cette exposition est un élément révélateur pour beaucoup. On y voit un islam de lumière, un islam créateur de beauté et de richesse intellectuelle » qui dément toutes les idées destructrices que l’on voudrait lui assimiler.
Contrairement à la perception commune, l’histoire africaine et musulmane ne s’est pas transmise qu’à travers la tradition orale. L’enseignement s’est appuyé sur des manuscrits importés de tous coins du monde, mais aussi sur des textes écrits par les Oulémas souhaitant transmettre leur savoir. Ces manuscrits regroupent un large nombre de disciplines, allant de l’histoire et la géographie à la médecine et le droit musulman en passant par l’astronomie, la grammaire et la poésie. Grâce à la profusion des centres d’enseignement musulmans en Afrique, une nouvelle génération de lettrés a vu le jour, maîtrisant la langue arabe en plus des dialectes locaux. Tombouctou, au Mali, était de ce fait devenue l’un des centres de savoir les plus importants en Afrique, attirant des savants du monde entier, particulièrement sous le règne des Songhaïs, entre le 15ème et le 16ème siècle.
Les gestes du sacré
Les gestes du sacré, qui prend place à la Galerie Bab Rouah, est le deuxième axe de l’exposition « Trésors de l’Islam en Afrique : de Tombouctou à Zanzibar ». Elle s’articule autour de la diversité des pratiques de l’Islam et des confréries sous toutes leurs formes, notamment la Shadiliya, la Tijanaiya, la Mouridiya, entre autres. Elle montre comment l’essor du soufisme a joué un rôle essentiel dans l’islamisation des populations d’Afrique subsaharienne au 19ème siècle.
Les arts de l’islam au sud du Sahara
Les arts de l’islam au sud du Sahara, qui est le 3ème axe d’exposition met en exergue l’importance de la mobilité des populations musulmanes et notamment des artisans, ce qui a permis la rencontre des savoir-faire, des techniques et des styles. L’Islam s’est installé en Afrique, pas seulement en tant que religion, mais aussi en tant que culture à part entière. La circulation des artisans et des objets est un facteur clé dans la transmission des techniques dans les domaines du textile, du cuir ou de l’orfèvrerie.
Trois lieux emblématiques
Prenant place dans trois espaces d’art emblématiques de Rabat, l’exposition met en écho ce riche passé dans des monuments remarquables de la ville. Ce choix de déployer l’exposition en trois musées relève d’instructions royales. C’est également une décision pragmatique puisque certaines pièces sont de grande taille. Juliette Bouveresse, commissaire d’exposition associée, affirme, dans cette optique, que « [nous] souhaitions vraiment déployer un parcours en trois lieux dans la ville de Rabat. C’est une manière de traiter une thématique spécifique à la fois, et de lui consacrer une vraie mise en valeur ».
A Bab El Kebir, des architectures plurielles d’Afrique subsaharienne se retrouvent. Bab Rouah, ancienne porte de l’enceinte almohade, accueille le patrimoine rituel et musical des Gnaouas et de la Tijâniyya. Le musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain, lui, accueille une exposition dont la visée est de remettre en question la conception d’une Afrique figée dans des traditions locales arriérées.
Il s’agit réellement dans cette exposition, sur tous ses axes, de s’affranchir des stéréotypes des touristes et des colons, attribués au continent africain. Comme dit par M. Abdeljalil Lahjomri, secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, l’événement nous incite à lever le voile sur des facettes du patrimoine archéologique et civilisationnel de l’Afrique et à mettre en valeur les talents et les richesses dont regorge le continent ».
Une exposition re-dynamisée
Plusieurs des pièces exposées ont été empruntées de musées et de collections publiques et privées à travers le monde entier. L’exposition, qui avait déjà eu lieu à Paris, est « finalement beaucoup plus juste à Rabat et même plus belle qu’à Paris », selon Jack Lang. En effet, le Roi Mohammed VI l’ayant visitée alors qu’elle était exposée à Paris, a émis le souhait de la voir au Maroc ; et c’est à partir de là qu’un travail d’une année et demi a commencé pour qu’elle prenne place à Rabat, vill des Lumières. Grâce à des efforts communs entre l’Académie du Royaume du Maroc, l’Institut du Monde Arabe, le Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports et la Fondation Nationale des Musées, cette exposition re-dynamisée par rapport à celle de Paris, avec beaucoup plus d’art contemporain incorporé parmi les œuvres, notamment des œuvres marocaines a pu voir le jour aujourd’hui.
Evoquant la genèse de cette initiative, Nala Alouda, commissaire associée de l’exposition, se rappelle que « l’idée d’une pareille exposition est née il y a plusieurs années, à l’Institut du Monde arabe à Paris. A travers ce travail, nous voulions répondre à beaucoup de questionnements, notamment à cette époque là, en 2017, qui faisaient suite aux violences au Mali. Nous devions montrer à quel point l’histoire de l’islam en Afrique était pacifique ». Plusieurs musées africains et européens ont été heureux de prêter certaines de leurs pièces à ce sujet, « ces pièces qui ne sont ni du monde arabe ni du monde musulman tels qu’ils sont généralement présentés, ne sortaient pas beaucoup de leurs vitrines ».