Tribunes, vidéos, affiches et publications marquées par l’appel incessant de remettre en liberté deux détenus impliqués dans de graves affaires. Au-delà de cette effervescence, un attentat en règle contre la justice et une caste qui érige en système «le journalisme» comme totem d’immunité.
Rien n’est plus commode que de s’approprier sans façon les démarches, les procédés et les méthodes dont on a si souvent reproché aux autres de se servir. Avant la reprise le 27 avril du procès de Omar Radi, en détention préventive depuis fin juillet 2020 pour des accusations de viol et d’espionnage, ouvert le 6 avril, l’entourage du trentenaire s’évertue à solliciter des noms plus au moins controversés pour soutenir ce dernier, à travers des vidéos qui remettent en cause la magistrature marocaine, la plus puissante garantie de la vie sociale et gardienne de tous les droits. «C’est un rendez-vous donné à toutes les intimidations, à toutes les rancunes, à toutes les convoitises et à toutes les surenchères» déclare une source proche du dossier à Barlamane.com.
Aboubakr Jamaï, Hassan Bennajeh, Ali Aarrass et autres souhaitent que les affaires de Omar Radi et celle de Soulaiman Raissouni soient expédiées en quelques séances, en toute hâte, malgré la gravité des charges qu’affrontent ces derniers. Omar Radi est accusé à la fois d’avoir reçu des «financements étrangers», d’«atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat» et de «viol» dans deux dossiers jugés conjointement par la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca. Soulaiman Raissouni est poursuivi pour «attentat à la pudeur avec violence» et «séquestration» après une plainte déposée par un militant de la cause LGBT.
L’enquête pour viol contre Omar Radi a été ouverte en juillet 2020 après la plainte d’une de ses anciennes collègues, Hafsa Boutahar, laquelle a évoqué des «relations sexuelles contraignantes», tout en défendant son «droit à la dignité» et dénonçant l’acharnement contre elle. «Les plus violentes iniquités de polémique ont été dirigées contre moi. Il suffit de se couvrir d’un grand mot, liberté de presse, voix critique ou même complot, pour se donner tous les droits ou plutôt toutes les licences» déplore Mme Hafsa Boutahar, qui refuse d’assister aux intrigues entourant son affaire en spectatrice désintéressée. «Cette fureur de soupçon et de dénigrement dirigée à mon encontre est accompagnée d’actes d’un ordre et d’une gravité inouïs. Cette campagne d’outrages est organisée par d’étranges diffamateurs établis hors du Maroc pour la plupart, incapables de justifier leurs allégations» a-t-elle accusé.
La justice, qui a jusqu’à présent refusé toutes les demandes de remise en liberté formulées par Omar Radi et Soulaiman Raissouni, se trouve dénoncée et flétrie avec une énergie infatigable et à travers des contenus trompeurs diffusés sur les réseaux sociaux. «Les soutiens de ces deux détenus donnent aujourd’hui le spectacle d’une bande qui, pour maintenir leur pression, se croient obligés de recourir à l’intervention étrangère, on l’a vu avec les tribunes dans Le Monde et l’Humanité» pointe une source proche du dossier. «Le droit existe, il s’exercera librement. Mon dossier s’applique à des faits déterminés» avait déclaré Adam Muhammad, victime de Soulaiman Raissouni, qui confie vivre «une détresse morale énorme du fait du harcèlement qu’il subit» malgré ses tentatives de relever la tête et de rompre le silence.
L’administration pénitentiaire n’était pas en reste. Maati Monjib lui même reconnaît avoir «été normalement traité» et qu’il n’a «pas eu vraiment à [s]e plaindre». La même institution a indiqué dans un communiqué avoir tenté de dissuader Soulaiman Raissouni de faire une grève de la faim. Face à son refus, il «a été placé sous contrôle médical». Malgré tout, elle a été malicieusement dénigrée.
«Il n’y a point présentement de tribunal moins respecté que celui de l’inquisition médiatique. Il n’y a pas de prescription contre sa mauvaise humeur et ses compromissions. Si elle a quelque tort réel à se reprocher, certes ce n’est pas l’excessive rigueur qu’elle affiche à mon encontre ; c’est plutôt l’extrême complaisance qu’elle accorde à mon agresseur» assène enfin Mme Boutahar.