Couvrant plus de 95% du tissu économique du pays, les TPME constituent le centre névralgique de l’économie marocaine. Toutefois, la situation économique liée à la crise du coronavirus a fragilisé davantage l’activité de ce segment.
Pour Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine de TPE-PME, la relance de l’économie nationale requiert de faciliter davantage l’accès des TPME à la fois au financement et à la commande publique. Il est aussi question de prendre des mesures concrètes pour renforcer et structurer le tissu des TPE au Maroc, telles que l’application de la disposition juridique relative au quota de 30% du montant des marchés publics réservés aux PME et TPE, aux coopératives et autoentrepreneurs ainsi que la mise en place d’une fiscalité suffisamment attractive.
Abdellah El Fergui déplore l’absence de dialogue avec l’Exécutif
« Les TPME ont été frappées de plein fouet par le Covid-19. A cause de la pandémie, leur situation économique s’est aggravée davantage. Avant l’arrivée de ce marasme, nous avons organisé plusieurs réunions avec l’Exécutif pour parler des difficultés que traversent les TPME au Maroc. Nous avons également soumis plusieurs propositions pour faire face à ces obstacles », indique M. El Fergui dans une déclaration à Barlamane.com/fr. Il rappelle dans ce cadre qu’il a tenu une réunion, le 15 janvier dernier, avec le Chef du gouvernement. Plusieurs points ont été relevés par la Confédération lors de ce rendez-vous, tels que les différents dispositifs d’accompagnement non activés, tels que le programme de financement pour les TPME et auto-entrepreneurs, l’accès aux marchés publics ainsi que l’augmentation du plafond du micro-crédit.
Une deuxième réunion a été planifiée par la suite avec le ministre de l’Emploi concernant les TPE qui s’occupent de la sous-traitance dans les marchés publics afin de demander l’adoption d’un décret sur les droits des sous-traitants. Pour la Confédération, il est essentiel que tous les sous-traitants jouissent de tous leurs droits dans les commandes publiques et privées. « A quelques exceptions près, les marchés publics sont exécutés par les TPE et non pas par les entreprises retenues dans les appels d’offres. Toutefois, ces TPE se retrouvent avec des problèmes de délais de paiement ainsi qu’avec des obstacles au niveau des référencements techniques des marchés », détaille le président de la Confédération marocaine de TPE-PME. Dans ce contexte, notre interlocuteur déplore l’absence de dialogue avec les ministères de l’Économie et des Finances, du Commerce et de l’industrie, entre autres.
Il faut permettre un accès plus large aux TPE dans la commande publique
Parmi les autres problèmes soulevés à maintes reprises par la Confédération marocaine de TPE-PME : le système de classification actuel qui marginalise les TPE dans les régions. Selon le président de la Confédération, les TPE n’ont pas souvent accès au classement à cause de certains critères. En outre, la procédure pour être classé est trop compliquée. De plus, ce sont les grandes entreprises et les moyennes entreprises du secteur du BTP qui bénéficient de ce classement. Et afin d’avoir accès à la commande publique, il est obligatoire d’être classé. Ainsi, les classes 4 et 5 doivent être accordées dans les régions et non pas au niveau national. Selon les informations dont dispose la Confédération, cette mesure serait déjà déployée.
Les TPE, les grands oubliés de l’Exécutif lors de la crise
Avec la création du Comité de veille économique (CVE), la Confédération marocaine de TPE-PME a sollicité qu’elle soit présente dans ledit comité pour défendre les intérêts des TPME. Une demande qui est, toutefois, restée lettre morte. Certes, le tissu économique a été représenté par le patronat mais celui-ci n’a défendu que les intérêts des grandes entreprises au grand dam des TPE. Ce qui se reflétait, d’ailleurs, dans les décisions qui ont été prises par le CVE qui étaient en faveur des grandes et moyennes entreprises, marginalisant ainsi les TPE et les auto-entrepreneurs.
Rappelons que fin mars, le gouvernement et le secteur bancaire ont dévoilé plusieurs mesures afin de soutenir les entreprises touchées par la crise. Après cette annonce, plusieurs entrepreneurs ont demandé accès à ces financements. Un accès qui a été refusé par les banques, indique le président de la Confédération des TPE-PME. Pour les dirigeants de ces entreprises, le processus adopté était complexe et l’instruction des dossiers a été longue. De plus, les modalités sont variables d’une banque à l’autre. Résultat : les banques traitaient seulement les dossiers des grandes entreprises. Abdellah El Fergui indique, dans ce sens, que le type de financement Damane Oxygène n’était pas adapté aux PE et TPE qui sont financièrement fragiles.
Lors du confinement, 83% des TPE et PME ont été en arrêt total d’activité
La Confédération marocaine de TPE-PME a initié une étude qui a ciblé les PME, TPE (y compris les auto-entrepreneurs) et les coopératives. L’étude réalisée et publiée montre que les petites entreprises (PE) et très petites entreprises (TPE) marocaines sont les plus impactées par la crise sanitaire engendrées par la pandémie de coronavirus, mais aussi que 83% des TPE et PME sont en arrêt total d’activité et seulement 17% en arrêt partiel après la première semaine de confinement. Ces entreprises représentent 95% du tissu économique du Maroc. L’étude a été menée auprès de dix secteurs d’activité notamment l’industrie, le BTP, le tourisme, l’artisanat, l’éducation, les services, la communication et l’événementiel, l’agroalimentaire, le transport et logistique ainsi que le commerce et distribution.
Les petites structures (TPE et auto-entrepreneurs) sont celles qui souffrent le plus de cette crise. La capacité financière assez restreinte de cette catégorie est la principale cause de cette situation. Avec des fonds de roulement très limités, des délais de paiement (privé et public) beaucoup plus longs, un recours au financement bancaire plus compliqué, cette catégorie aura du mal à résister. Les services (21.9% de l’échantillon) et le commerce (20.6%) sont les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, suivis par le secteur de l’industrie, du BTP, de la communication et l’événementiel, l’agriculture, le tourisme et l’artisanat.
Face à cette situation, la Confédération marocaine de TPE-PME a demandé une ligne de crédit – spéciale TPE avec des facilités de traitement de dossiers par les banques. Pour le président, le secteur public a un rôle très important dans le redémarrage de l’économie. Il doit lancer des investissements d’envergure et faciliter l’accès des TPE-PME aux financements et à la commande publique. Sans financement, le redémarrage ne pourrait pas avoir lieu, puisque la majorité des TPE-PME et des auto-entrepreneurs souffrent en cette période et il y en a même certains qui sont au bord de la faillite.
Dans ce cadre, le dispositif « Relance TPE », élaboré par la CCG pour la relance économique, a été déployé à partir du 15 juin dernier. Il a pour objectif de relancer l’activité des entreprises à travers la garantie des crédits destinés à financer leurs besoins en fonds de roulement, remboursables sur une durée de 7 ans, avec 2 ans de différé. Toutefois, on remarque que cette ligne de financement est plafonnée à 10% du chiffre d’affaires avec un maximum de 1 MDH. Il s’agit d’une condition qui bloque l’accès à ce dispositif, déplore M. El Fergui.
La Confédération marocaine de TPE-PME s’offusque de l’absence d’un plan de relance
Jusqu’à présent, le gouvernement d’El Othmani n’a pas prévu de plan de relance pour les TPE-PME. « Depuis plus de quatre ans, notre Confédération soumet régulièrement des propositions en faveur des TPE-PME à l’Exécutif. Des recommandations souvent « bloquées » par le ministre des Finances qui travaille étroitement avec le patronat au grand dam des TPE-PME », explique M. El Fergui.
Aujourd’hui, il est temps de prendre des mesures concrètes pour renforcer et structurer le tissu des TPE au Maroc. Parmi ces mesures : l’application de la disposition juridique relative au quota de 30% du montant des marchés publics réservés aux PME et TPE, aux coopératives et auto-entrepreneurs, la mise en place d’une fiscalité suffisamment attractive. Il est aussi question de donner des avances aux entités qui exécutent les marchés publics au lieu de s’adresser aux banques et diminuer les délais de paiement.
La Confédération appelle dans ce sens à sanctionner et afficher les mauvais payeurs, qu’ils soient publics et privés. Il faut aussi s’intéresser à tous les secteurs et adopter des programmes spécifiques adoptés aux besoins de chaque segment, pas seulement aux TPE-PME opérant dans l’industrie et ce, dans le cadre du plan d’accélération industrielle lancé par le ministre de l’Industrie en 2014. « Il faut changer le nom de Maroc PME à Maroc PMI puisqu’on ne s’intéresse que rarement aux autres secteurs », ironise-t-il.
Parmi les autres mesures proposées par la Confédération : le report des déclarations des impôts, des cotisations de CNSS, des crédits bancaires et leasing de 18 mois et non pas de 3 mois.
« Programme Intelaka », où en sommes-nous ?
Le programme royal « Intelaka » d’appui et de financement des entreprises a été suspendu suite à la crise sanitaire. Il comprend deux produits de garantie et un produit de cofinancement appelés à soutenir chaque année 13.500 TPME avec un objectif de la création de 27.000 emplois par an. Il s’agit désormais de l’un des déterminants de la relance économique. « Notre Confédération a demandé que le programme Intelaka soit relancé. Jusqu’à présent, on ne sait pas les raisons qui sont derrière la suspension de ce programme. Alors que le Wali de BAM voulait que ce programme soit accéléré, le ministre des Finances a décidé de le suspendre. Toutefois, nous avons eu, récemment, la confirmation du directeur de la CCG quant à la relance de ce dispositif qui est, en réalité, une initiative qui vient concrétiser la vision royale actant sur le nouveau programme d’appui au financement des entreprises », conclut Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine de TPE-PME.