La CNSS, l’ANAM et les professionnels de la santé ont procédé, le 13 janvier, à la signature de 3 conventions, révisant la tarification nationale de référence (TNR) de l’AMO pour les salariés du secteur privé relative à plusieurs actes médicaux.
Lors de la cérémonie de signature des conventions, la CNOPS (Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale), qui gère l’Assurance maladie obligatoire (AMO) des fonctionnaires, a brillé par son absence.
Le Directeur général de la CNOPS, Abdelaziz Adnane, développe un discours à contrecourant des chaleureuses accolades du 13 janvier. Pour lui, il y a d’abord des questions de légalité de ces conventions, mais surtout des questions de fond, et notamment sur leurs conséquences financières, apprend-on de l’hebdomadaire TelQuel. « La signature de ces conventions nationales est un acte illégal dont les impacts négatifs sont incalculables sur les régimes de l’AMO, les couvertures complémentaires, les régimes subventionnés par l’État et la mutuelle des FAR (…) Nous n’avons jamais négocié face à face avec les prestataires de soins. L’ANAM assurait depuis plusieurs années l’intermédiation sans être mandatée par les organismes gestionnaires et sans que nous puissions connaître sa stratégie, ses priorités, le cadrage budgétaire et la protection dont disposera l’assuré en matière de soins et d’hospitalisation », précise-t-il.
Pour l’organisme qui gère l’AMO des fonctionnaires publics, « la loi 65-00, portant Code de couverture médicale de base est claire ». En effet, l’article 73 de ladite loi stipule que la gestion du régime d’assurance maladie obligatoire de base est confiée uniquement à la CNSS et à la CNOPS. De plus, exclure un organisme gestionnaire est illégal et instaurer un tarif pour le privé et un autre pour le public l’est tout autant. En outre, l’article 21 de cette loi indique que les délais et les modalités de conclusion des conventions nationales sont fixés par voie réglementaire. A défaut d’accord sur les termes des conventions nationales, l’administration [NDLR : ministère de la Santé] reconduit d’office la convention précédente. Par conséquent, le ministère de la Santé se substitue à l’ANAM pour fixer un règlement tarifaire. Toutefois, on remarque que même si la CNOPS a refusé de signer ces trois conventions, celles-ci sont bel et bien passées.
Cette question d’illégalité des trois conventions signées par la CNSS, l’ANAM et les professionnels de la santé a poussé Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Économie et des Finances, à saisir le Chef du gouvernement pour surseoir à la publication des conventions dans le Bulletin officiel et à exiger l’évaluation de l’impact de ces conventions sur la viabilité du régime avant la mise en exécution de leurs dispositions. A son tour, le Chef du gouvernement a saisi le Secrétariat général du gouvernement (SGG) pour vérifier la légalité desdites conventions.
Toutefois, Khalid Lahlou, Directeur général de l’ANAM, fait savoir que l’absence de la CNOPS n’est pas synonyme de refus radical des conventions : « Nous avons retardé la signature de la CNOPS à la demande de son directeur pour permettre à la commission interministérielle de se pencher sur les problèmes de la Caisse et proposer des solutions à même de stabiliser son équilibre financier », a-t-il indiqué.
Par ailleurs, la CNOPS, déjà déficitaire, est incapable de supporter les nouveaux TNR, qui pourraient lui coûter plus de 350 millions de dirhams annuellement. Soulignons que selon le dernier rapport de la Cour des comptes, la CNOPS a enregistré une dégradation continue de ses résultats au cours de la période 2006-2018. En 2019, la CNOPS a affiché un déficit technique de près de 300 MDH. Cette dégradation s’explique par l’absence de révision de taux de cotisation depuis 14 ans et l’accroissement des dépenses du régime en vertu d’un taux de sinistralité en croissance continue qui se situe à près de 50% actuellement.
Si la CNSS s’est empressée de parapher les conventions, c’est que ses indicateurs financiers sont globalement dans le vert, et qu’elle dispose d’un excédent exploitable de 29 MMDH. Une situation financière qui a permis à la CNSS d’accepter de débourser au moins 1 MMDH supplémentaire par an au profit des médecins et cliniques. Cette somme représente, en effet, le coût financier induit par l’éventuelle application des nouveaux tarifs nationaux de référence (TNR), tel que prévu par les conventions nationales signées le 13 janvier avec les représentants des prestataires de soins du secteur privé. Il semble ainsi que la CNSS et la CNOPS évoluent différemment, ce qui explique les écarts criants entre les deux Caisses. Il s’agit notamment du taux de sinistralité qui avoisine les 49% à la CNOPS et 22% à la CNSS et du taux de cotisations qui est de 5% à la CNOPS et 6,37% à la CNSS.
Pour rappel, les résolutions prises par la CNSS vont entraîner une augmentation annuelle de 19 à 20% des frais remboursés par la CNSS aux bénéficiaires de l’AMO, ce qui correspond à environ 820 millions de dirhams additionnels à ajouter aux dépenses techniques de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), gérée par la CNSS. Selon Reda Benamar, Directeur des études, communication et développement à la CNSS, ces dépenses supplémentaires ne signifient en aucun cas une augmentation du taux de cotisation. En effet, le Conseil d’administration de la caisse n’a pas jugé utile d’associer cette augmentation au réajustement du taux de cotisation étant donné que le taux de cotisation actuelle permet de subvenir aux dépenses usuelles courantes, même en y ajoutant les nouvelles augmentations. Dans ce contexte, un bilan d’étape sera réalisé d’ici deux ans dans le but d’évaluer l’effet de toutes ces mesures sur les équilibres de la CNSS. Selon la réglementation, une quelconque augmentation du taux de cotisation ne pourrait intervenir qu’en 2034.