Dans son numéro spécial cybersécurité, la revue de police a donné la parole à Mohammed Sassi, commissaire Divisionnaire et Chef de l’Office national contre la criminalité liée aux nouvelles technologies à la Brigade Nationale de la Police Judiciaire, depuis 2018, date de sa création.
En réponse à la question concernant le rôle qu’occupe l’Office dans la lutte contre la criminalité liée aux nouvelles technologies, Mr Sassi a dressé un bref aperçu sur cette structure.
« L’Office national contre la criminalité liée aux nouvelles technologies «ONCLNT», est le plus jeune des Offices de la BNPJ, qui a vu le jour en 2018. Auparavant, la lutte contre la cybercriminalité à la BNPJ, était l’apanage d’une cellule, qui a évolué par la suite en service. Il était, alors naturel qu’avec la montée fulgurante des affaires de cybercriminalité, de revoir la structure organisationnelle, afin d’être en mesure d’appréhender ce fléau avec l’efficacité et la rapidité requises. En fait, l’Office fait partie du dispositif intégré de la DGSN, dans le domaine de la lutte contre la criminalité liée aux nouvelles technologies. Notre action porte sur les grandes affaires à portée nationale et internationale ou qui revêtent une certaine complexité».
Le commissaire explique que l’Office est constitué de trois services, le service des investigations criminelles, le laboratoire d’analyse des traces numériques et le service du renseignement criminel et d’appui aux enquêtes. Cette structure intégrée et cohérente, nous permet de mettre ensemble toutes les données et informations, tant opérationnelles que techniques, dont nous disposons, au service du directeur d’enquête en charge de l’affaire. Car, il faut le préciser, dans ce domaine, ces trois composantes se complètent les unes les autres pour donner du sens aux différentes données, celles issues du terrain, celles issues des investigations sur Internet ou des supports numériques, avec celles issues d’autres sources, telles que les opérateurs de téléphonie, les fournisseurs d’accès à Internet ou autres. Il faut préciser que notre action et notre démarche se font toujours sous la supervision du Parquet compétent et toutes nos réquisitions judiciaires sont visées par le Ministère Public.
5.275 affaires traitées en 2021
« Au cours de l’année 2021, les services de la Sûreté Nationale ont traité 5.275 affaires et ont pu détecter sur la base d’un travail anticipatif de veille, 3.533 publications de contenus illicites. En relation avec la sextorsion, 498 affaires ont été traitées, ayant mené à l’arrestation de 270 maîtres chanteurs et à l’identification de 508 victimes, dont 95 de nationalités étrangères. Concernant les affaires de sextorsion en général, ainsi que la publication de vidéos et de photos à caractère pédopornographiques, nous avons travaillé sur plusieurs affaires signalées par les autorités judiciaires ou policières », révèle le commissaire.
Pour ce qui est de l’ampleur de la criminalité liée aux nouvelles technologies au Maroc, « La numérisation de notre quotidien et la démocrati sation d’Internet ont ouvert la voie à une nouvelle forme de criminalité qui est facilitée par ces technologies ou qui l’utilise carrément. Cette forme de criminalité qui, d’ailleurs, ne cesse de se sophistiquer avec de nouveaux modes opératoires qui font usage des dernières technologies sur le marché. Des logiciels malveillants, aux Botnets, en passant par les Rançongiciels, le Cryptojacking et bien d’autres, les modes opératoires sont nombreux et les cybercriminels ne cessent d’innover pour perpétrer leurs méfaits dans un anonymat total », explique Mr Sassi.
Selon la même source, le cyberespace est devenu le théâtre de prédilection de ces cybercriminels, qui y ont transposé leurs activités illégales de tous genres, faisant fi des frontières, et prospérant dans le Web invisible avec l’utilisation des cryptomonnaies, afin de rendre la traçabilité de leurs mouvements financiers difficile voire impossible. « Aujourd’hui, avec 4,66 milliards d’utilisateurs d’Internet dans le monde, l’augmentation du nombre de transactions en ligne, le développement des objets connectés, etc., la cybercriminalité ira sans aucun doute en exponentielle, constituant ainsi un réel défi pour les services de sécurité du monde entier, qui doivent adapter la réponse et renforcer la coopération opérationnelle internationale, pour faire face à ce fléau. Et le Maroc ne fait pas exception ».
L’impact de la crise pandémique sur les affaires de cybercriminalité
Selon Sassi, « Durant la période de confinement, nous avons constaté une hausse exponentielle des affaires de cybercriminalité, qui a constitué une «opportunité» en or pour les cybermalfaiteurs. Ces criminels ont, en effet, tiré profit de cette situation et ont multiplié les escroqueries et les arnaques dans le cyberespace, notamment l’hameçonnage, le vol de données personnelles, le chantage et l’extorsion, la sextorsion, la publication de vidéos à caractère pédopornographique, ainsi que la commercialisation de produits nocifs à la santé et la publication de fake news au sujet de la pandémie ».
Il ajoute que durant la crise pandémique, les cybercriminels ont fait usage de la panique et de la peur de la population face à cette crise, par l’utilisation du terme « coronavirus» ou « covid-19 » pour créer de nouveaux noms de domaines, pour diffuser des logiciels malveillants ou pour mener des campagnes de spam et de phishing.
« Les victimes ciblées recevaient des courriels les incitant à cliquer sur des liens, et téléchargeaient alors à leur insu des maliciels, conçus pour infiltrer les ordi- nateurs et appareils mobiles, et y effectuer des activi- tés non autorisées, tels que le vol de données person- nelles ou leur chiffrement, en vue de demander par la suite une rançon. Imaginez si ces attaques ciblaient des établissements hospitaliers et d’autres institutions stratégiques, ce qui va les rendre inopérables et créer ainsi de grands dégâts. L’application CovidLock, en est l’exemple parfait ».