Le suprême pilote du gouvernement marocain se demande vers quelle corne de l’étoile des vents la barque va être dirigée ; mais poser la question est tout ce qui lui est permis ; les moyens d’y répondre lui font défaut pour le moment, et les citoyens restent obligés de rester tous là, le nez en l’air, plantés en badauds.
Son mutisme obstiné prend fin. Saad Dine El Otmani prendra le 10 juin la parole pour défendre les mesures avec lesquelles il espère relancer l’économie marocaine. Le chef de l’Etat est attendu sur de multiples dossiers, dont certains très délicats comme la crise sanitaire, le déconfinement, tests des malades, masques et rassemblements.
El Otmani a annoncé un projet de loi de finances rectificative «pour préparer le décollage de l’économie» sans dévoiler une feuille de route. Il a annoncé un plan de relance sans en préciser les contours. Il annonce le plan du déconfinement et les mesures qui accompagnent le retour à la vie officielle chez un média étranger.
Le Comité de veille économique (CVE) dirigé par le ministre des finances Mohamed Benchaâboun, tient des réunions continues pour jauger la situation économique et financière du pays. Le chef du gouvernement du PJD, en même temps, paraît frappé d’une sorte d’atonie, tourne toujours dans le même cercle, empêtré dans une situation où tout est confondu, altéré et faussé. Le FMI anticipe une récession de 3,7% de l’économie marocaine, tandis que dans le cabinet islamiste, tout est livré à l’aventure, à l’esprit de parti, n’aborde que très timidement l’état des finances publiques. Se figure-t-on un budget rectificatif qui prendra en compte les conséquences de la crise du coronavirus, la confusion des dépenses déréglées, les déficits, et une dépense qui doit se contenir dans les bornes de la recette ?
En fait de quarantaine, le pouvoir exécutif a tracé au public ses devoirs avec toute l’assurance d’une autorité qui ne connaît pas le doute. Mais la direction des établissements et des mesures sanitaires. Il n’y a pas de responsable, quel que soit le titre de son portefeuille, qui puisse mettre un intérêt commercial quelconque en balance avec l’intérêt ultime de la conservation de la santé générale du pays. Sauf que le mouvement commercial est profondément atteint à l’instant même où la santé générale paraît s’améliorer.
A un état d’anxiété sourde, de malaise et même de marasme, El Otmani ne parvient pas à rassurer le public financier. Le souci vexant qui fait que l’opinion publique est toujours à se demander si des dépenses extraordinaires seront engagées, si des annulations de crédit seront décidées, s’il ne sera pas nécessaire d’emprunter encore pour faire face aux défis économiques : doutes funestes au crédit public, car ils le font souffrir d’un mal indéterminé, d’un mal hypothétique, d’un mal redouté, que le chef du gouvernement paraît sous-estimer.
Dans toutes ses sorties médiatiques, Saad Dine Otmani consent à constater que les intérêts économiques du Maroc souffrent d’une inquiète langueur qui paralyse à un certain degré l’activité de commerciale. Les trous du budget sont couverts par des recettes accidentelles, incertaines, précaires, et au pis aller avec des emprunts. Le problème du rétablissement de l’équilibre financier et de l’affermissement de la confiance nécessaire à l’activité et à la prospérité des affaires publiques se réduit pour El Otmani à demander un peu de patience, une patience très courte, aux entreprises, aux travailleurs, aux ouvriers. Sauf qu’il suffirait, pour se mettre à flot, d’annoncer un budget rectificatif qui puisse prendre en compte les besoins du pays. Que cela ne soit pas possible pour El Otmani, voilà ce qui nous surpasse, et le fait devant lequel nous croyons véritablement rêver.