Les milices du Front Polisario ont annoncé, le 10 avril, «rompre» tout contact avec le gouvernement espagnol de Pedro Sánchez après le virage historique de Madrid en faveur de la position marocaine sur la question du Sahara. Alger, qui se cache en vérité, derrière cette décision, a décidé de prendre elle-même les devants et de couper lentement les ponts avec Madrid. Au risque d’entamer un suicide long et douloureux, couronnement d’une longue série de déboires diplomatiques.
Depuis novembre 2020, le régime algérien est en état d’alerte maximale. Précisément, depuis que le Maroc a déployé ses troupes dans une zone tampon de l’extrême sud du Sahara pour y chasser des miliciens du Polisario qui bloquaient la seule route commerciale vers l’Afrique de l’Ouest et molestaient les routiers. Début octobre 2021, Alger a demandé le retrait de forces marocaines de Guerguerat pour faciliter une relance d’un règlement sur le dossier. À Rabat, on éclatait de rire…du coupable aveuglement d’un régime aux abois.
Début 2022, le nouvel émissaire des Nations unies pour le Sahara, Staffan de Mistura, a rencontré le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, à Tindouf en Algérie, dans le cadre de sa première tournée régionale. Lors d’une brève entrevue dans un camp de séquestrés sahraouis, les images des enfants-soldats ne sont pas la seule chose qui aient retenu l’attention, mais une déclaration algérienne assez farfelue. Si, pour Rabat, la relance des négociations, suspendues depuis 2019, doit s’inscrire dans le cadre de «tables rondes» réunissant le Maroc, le Polisario mais aussi l’Algérie et la Mauritanie ; Alger, qui insiste sur sa neutralité dans ce dossier, a annoncé une opposition formelle à une reprise de pourparlers sous cette forme, au risque de donner l’impression d’un protagoniste aux prises avec lui-même, s’embarrassant dans ses propres pièges, s’affaissant sous son propre poids et sous ses propres illusions.
Le 18 mars, Madrid déclare publiquement son soutien au plan d’autonomie marocain, qu’il considère désormais comme «la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend [du Sahara]». Pour l’Espagne c’est «un pas supplémentaire» afin de contribuer à la résolution d’un conflit qui dure depuis plus de quatre décennies. En Algérie, c’est le choc… et un saisissant phénomène de l’impuissance définitive de l’autocratie de Tebboune au milieu d’intérêts qu’elle subit, ou qu’elle dénature.
L’Algérie étudie ses options pour remonter la pente. Nouvelle trouvaille : suspendre, le 8 juin, un «traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération» conclu en 2002 avec l’Espagne, après la décision de Madrid de s’aligner sur la position du Maroc concernant l’affaire du Sahara, a annoncé la présidence. Le traité hispano-algérien prenait le renforcement du dialogue politique entre les deux pays à tous les niveaux et le développement de la coopération dans plusieurs domaines. Et si on cherche la raison de cette suite de décisions algériennes, elle est dans la politique chiffonnée et bâclée à Alger, et cette politique n’est que l’émanation naturelle d’un régime isolé avec tous ses procédés, ses contradictions, ses frivolités et ses mensonges.
Alors que les restrictions sur les transactions commerciales avec l’Espagne, selon un document publié par des médias locaux, peu après l’annonce de la suspension du traité hispano-algérien, sont entrées en vigueur, les diplomates algériens ont démenti tout gel des domiciliations bancaires de commerce extérieur de et vers l’Espagne. Au sommet de l’État algérien, c’est le cafouillage. Le Sahara marocain fait perdre la tête.
Les observateurs politiques veulent comprendre. Alger assure venir aux cycles de négociations directes sur le Sahara en tant que simple «pays observateur» alors que Rabat considère l’Algérie comme «partie prenante». Avant d’être viré, Sabri Boukadoum, éphémère chef de la diplomatie algérienne, a déclaré, en marge de la nomination du nouvel émissaire onusien, «qu’il faut des négociations directes et sérieuses entre les parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario». Si l’Algérie n’est pas concernée par le dossier du Sahara, pourquoi elle protège «un groupe armé séparatiste en violation flagrante du droit international humanitaire», et montre une obsession flagrante sur ce dossier au point de compromettre son avenir ?
Le gouvernement espagnol a annoncé, début février, qu’il allait aider le Maroc à «garantir sa sécurité énergétique» en lui permettant d’acheminer du gaz à travers le Gazoduc Maghreb Europe (GME), que l’Algérie n’alimente plus depuis fin octobre 2021. Fin avril, le ministère algérien de l’Énergie a menacé de rompre le contrat de fourniture de gaz à l’Espagne si cette dernière venait à l’acheminer vers une destination tierce, en l’occurrence le Maroc. Comme cela ne suffisait pas, Alger a rappelé le 19 mars son ambassadeur en Espagne, et Sonatrach a évoqué une hausse des prix du gaz livré à l’Espagne qui vient de soutenir l’intégrité territoriale du Maroc quelques heures auparavant. Selon nos sources, l’Algérie avait réduit ses engagements de fourniture de gaz à l’Espagne de 25 %, malgré les dénégations du président Tebboune.
Fin août 2021, l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en raison d’«actions hostiles» du royaume, une décision «complètement injustifiée» et déplorée par Rabat. Le 22 septembre de la même année, Alger a décrété la fermeture «immédiate» de son espace aérien à tous les avions marocains. Finalement, ces «actions hostiles» étaient seulement le grand labeur diplomatique et pacifique du Maroc pour maintenir intacte son intégrité en tant que nation.