Fort du soutien américain, et désormais celui de Berlin et Madrid, le Maroc est déterminé à régler en sa faveur l’interminable dossier du Sahara qui l’oppose au Polisario soutenu par l’Algérie.
L’ensemble de la société adhère à cette cause, priorité absolue pour chaque Marocain », explique Tajeddine Houssaini, professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat. Pour le Maroc, le Sahara a historiquement fait partie de son territoire, une « vérité immuable » qui « ne sera jamais à l’ordre du jour d’une quelconque tractation », selon le roi Mohammed VI.
L’inlassable mobilisation de la diplomatie marocaine vient de payer avec le ralliement de l’Allemagne et de l’Espagne au plan d’autonomie sous souveraineté marocaine proposé en 2007 par Rabat pour résoudre le « différend ». Aujourd’hui, l’Algérie apparaît isolée, relèvent des analystes, et l’ONU tente difficilement de relancer un dialogue politique suspendu depuis 2019.
L’Espagne, elle, a opéré un changement de position radical fin mars en apportant son soutien au projet d’autonomie, considérant désormais l’initiative marocaine « comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible » pour résoudre le contentieux. L’Allemagne, l’un des principaux partenaires économiques et commerciaux du Maroc, a également estimé récemment ce plan d’autonomie était une « bonne base » pour parvenir à un accord. Pour le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, le virage de Madrid était nécessaire pour nouer une relation « plus solide » avec le Maroc, partenaire commercial majeur et allié « stratégique » dans la lutte contre l’immigration illégale. Dans la foulée, le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, est attendu vendredi à Rabat pour relancer les relations bilatérales.
Le revirement espagnol, après un an de brouille, a été salué comme un « coup diplomatique » par les Marocains.
« C’est sans aucun doute une victoire du Maroc à court terme », reconnaît Bernabé López, professeur d’études arabes et islamique à l’Université autonome de Madrid, mais « il est difficile de savoir » si le changement de la position espagnole aura un effet concret.
« Il faudra voir si à l’avenir il y a une bonne entente (entre Madrid et Rabat) et si cela peut aider d’autres pays à se rallier » à cette position, s’interroge-t-il.
« Rapport de force »
Depuis la reconnaissance de la marocanité du Sahara par Washington en décembre 2020, Rabat appelle la communauté internationale de suivre l’exemple américain.
Ainsi, après avoir reçu son homologue américain, Antony Blinken, le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a invité mardi l’Europe à « sortir de sa zone de confort » et, à l’instar de l’Espagne, à endosser le plan d’autonomie.
Cet appel se double d’une mise en garde « à ceux qui affichent des positions floues ou ambivalentes ».
Dans un discours à la nation en novembre, Mohammed VI a averti que « le Maroc n’engagerait avec eux aucune démarche d’ordre économique ou commercial qui exclurait le Sahara marocain ».
Aux yeux de l’historien du Maghreb Pierre Vermeren, « les Marocains ont parfaitement tiré les enseignements de la géopolitique actuelle. Le rapport de force est devenu la norme au détriment du droit international ».
Signe de sa volonté de s’affranchir de toute tutelle au nom de ses intérêts, le Maroc n’a pas participé aux deux votes de l’Assemblée générale de l’ONU condamnant Moscou pour l’invasion de l’Ukraine, appellant toutefois au respect de l’intégrité territoriale de chaque pays.