Chanteuse, romancière et poétesse franco marocaine d’une famille juive de haute société, Sapho de son vrai nom Danielle Ebuguy, a chanté dans plusieurs langues (français, arabe, anglais, espagnol, italien, hébreu). Elle a également donné de nombreuses lectures de poésie et publié neufs romans, dont ‘’Douce violence’’, ‘’Ils préféraient la lune’’ et ‘’beaucoup autour de rien’’ (المندبة كبيرة والميت فار), édité à 100 mille exemplaires.
Après une enfance heureuse au Maroc, Elle déménage avec ses parents à Paris où elle s’implique de son plein gré dans la musique avant-gardiste et signe en 1977 un premier album intitulé ‘’Le Balayeur du Rex’’, avant de prendre le pseudonyme de Sapho, en référence à la poétesse grecque.
Après un séjour d’un an à New York comme correspondante du magazine ‘’Actuel’’, elle part pour Londres où elle enregistre l’album ‘’Janis’’, influencé par le rock américain des années 1960. Les années 1980 sont très porteuses : tour à tour paraissent ‘’Le Paris stupide’’ en1981, ‘’Passage d’’enfer (1982) et ‘’Barbarie’’ (1983), albums osés qui s’élèvent contre le machisme et le racisme.
En 1991, elle sort l’album ‘’La Traversée du désir’’ enregistré à Rabat avant de s’investir en 1994 dans la musique et les sonorités arabes en produisant un spectacle hommage à Oum Kalsoum, ‘’Al Atlal’’ (Les Ruines) qu’elle chante à Jérusalem.
Soutenant plusieurs causes, elle tente autant que faire se peut à symboliser l’union entre Juifs et Arabes, Palestiniens et Israéliens avec son album “Orients”, joué par un orchestre mixte de Nazareth, album qui ne cesse, à chaque fois, d’immerger le public dans une intensité musicale et poétique profonde.
C’est plus que de la séduction qu’exerce sur elle le Maroc, pays connu, dit-elle, pour sa mixité qui fait de lui est un mélange de cultures liées aux vagues successives de l’Histoire : Italiens, Français, Espagnols, Portugais, Algériens, juifs. Cette diversité qui entre en résonance avec l’art, la poésie et la littérature tout genre, est seule à faciliter, selon elle, les rencontres et les échanges.
Très tôt le Maroc va devenir une source d’inspiration pour cette native de Marrakech, qui s’est faite remarquée dés son âge pour son caractère rebelle et courtois à la fois. Son travail, que ce soit musical, poétique ou romantique, porte dans sa profondeur ce cachet marocain à la fois heureux, ambitieux et épanoui. S’améliorer, grandir, se remettre au quotidien en question , extérioriser, évoluer, comprendre… voilà les mots que notre poétesse s’associent savamment au travail d’introspection qui va la guider sur la voie du succès et de la célébrité. , ‘’Je me suis perfectionnée à Marrakech où j’ai fait mes études primaires, cette ville que je considère comme le café serré du Maroc, par ce que lorsqu’on est à Marrakech, on est déjà en Afrique. Les Gnawas ne sont pas loin, les couleurs de la ville sont africaines, rouges, et c’est aussi la porte du désert’’.
Sapho a cultivé cet amour du verbe et de la musique de son père qui lui a appris comment orienter son énergie pour en tirer le maximum de ressources nécessaires à son épanouissement.
La conscience politique lui est venue très tardivement. Au Maroc, elle a vécu son enfance et son adolescence dans l’insouciance. ‘’Les gens ne m’harcelaient pas par des questions genre ‘’qui vous êtes’’, ‘’quelle est la profession de votre père’’, alors qu’en France, on me demande tout de suite d’où vous venez, votre carte d’identité, vous êtes nés où…Et cela m’avait choquée, moi qui ai passé mon enfance dans un pays très sensuel, très poétique où on ne vous demande pas immédiatement votre fiche signalétique’’, , nous confie-t-elle avec énormément de spontanéité.
Avoir vu durant toute son enfance des juifs et des musulmans manger ensemble et se recevoir, a éveillé en elle depuis qu’elle a quitté le Maroc pour Paris, la curiosité de comprendre les raisons de ce conflit absurde. Elle ne supportait pas qu’il y ait cette guerre injuste, et ce rêve d’une reconnaissance mutuelle entre la Palestine et Israël, va devenir l’élément clé dans tous ses écrits et chansons. ‘’C’est un rêve pour lequel je me suis tant battue… J’ai chanté à Jérusalem comme à Gaza pour que cesse cette guerre injuste et pour que la paix et l’amitié s’établisse entre les deux peuples’’.
Son combat, elle le menait sous la banderole de la poésie et de la musique. ‘’J’ai rencontré plusieurs fois le président Arafat, et une fois quand il était venu à l’Institut du Monde arabe pour une grande manifestation culturelle euro-arabe , j’ai lu devant lui un texte qui est paru le lendemain dans le journal ‘’Le Monde’’.
Toujours dans le registre de l’écriture, Sapho a réalisé un livre collectif, ‘’Un très proche Orient’’, qui a été traduit au Maroc. C’est un livre dans lequel elle a rassemblé des écrits des Israéliens, des Palestiniens, des chrétiens, et des gens de partout, dont des Marocains, tels Mahi Binbine, Fouad Laroui et autres. Ils étaient 100 personnes ayant écrit sur ce conflit, parmi eux Mahmoud Darwich et Jacques Derrida. ‘’J’étais alors partie voir Arafat pour lui donner ce livre, qu’il a fortement apprécié’’, raconte-t-elle.
Sapho a chanté en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique dans plusieurs langues (français, arabe, anglais, espagnol, italien, hébreu). Et ce qu’elle trouve magnifique dans le fait d’avoir chanté devant des cultures absolument différentes c’est que le point fort d’un concert reste le même pour n’importe quel public. Elle se souvient d’un concert avec un morceau où elle chantait très fort de manière très rock un poème de Rimbaud, et à chaque fois, que ce soit en Afrique, en Amérique ou au Japon, le public applaudissait particulièrement. C’est dire combien le beau traverse les cultures, sans se soucier de la race, de la religion, moins encore de l’identité, a fait savoir cette chanteuse invitée au Festival Mawazine et au Festival des musiques sacrées de Fès.