«La zone grise n’est ni la paix ni la guerre, mais elle sépare les deux au milieu d’une compétition qui implique l’utilisation de stratégies multidimensionnelles» dévoile le rapport.
L’Observatoire de Ceuta et Melilla a présenté récemment à Madrid son nouveau rapport, centré sur «les revendications du Maroc sur Ceuta et Melilla du point de vue de la zone grise», préparé par Josep Baqués, professeur de sciences politiques à l’Université de Barcelone, et trois autres chercheurs.
Il s’agit du quatrième rapport produit par l’Observatoire et ses conclusions sont édifiantes. Selon le document, l’objectif de la zone grise est de «modifier le statu quo dans les relations entre Rabat et Madrid concernant les deux villes de Ceuta et Melilla» de manière que le Maroc «finisse par les récupérer» sans «qu’aucune intervention militaire soit menée et sans un coût trop élevé».
«Les revendications de Rabat ont été canalisées précisément dans cette “zone grise”, une zone intermédiaire dans laquelle des objectifs “extrêmes” peuvent également être véhiculés avec des tactiques subtiles», a-t-on précisé.
Selon un des rédacteurs du rapport, un trait caractéristique de ce type de position est le maintien d’un horizon à long terme : l’affrontement hybride se gagne «sur la base de petites victoires» et une «victoire éclatante» n’est pas recherchée dans l’immédiat, mais «il s’agit de normaliser certains débats et discours qui auparavant auraient été inacceptables».
Ledit rédacteur évoque des «opérations d’influence» marocaines pour «modifier la scène du côté informationnel» en interne et en externe, à travers une action «soutenue et de long terme» susceptible d’être accélérée dans les «occasions de faiblesse» qu’offre l’Espagne.
Un autre rédacteur a souligné l’importance du rôle que peut avoir la modernisation des Forces armées marocaines et leurs capacités militaires croissantes dans la stratégie de la zone grise. «Ces dernières années, l’écart militaire entre le Maroc et l’Espagne a été réduit, et cela pourrait conduire Rabat à imposer sa loi dans la zone grise», a-t-on affirmé.
Le document dévoile quatre conclusions, à savoir qu’il est difficile de prévoir les conséquences de la «zone grise» sans preuves, et que, «pour pouvoir parler de zone grise, il faut vérifier l’existence d’un motif d’une certaine visée géopolitique. La revendication du Maroc d’annexer Ceuta et Melilla correspond parfaitement à ce schéma. D’autre part, il est nécessaire de vérifier l’utilisation d’un ensemble d’outils caractéristiques de ce type de scénario et qui combine diverses mesures de pression, généralement de nature non militaire, bien que toujours renforcées par une capacité de dissuasion militaire crédible, conçu pour protéger cette zone grise et ses effets.»
Le rapport recommande «de surveiller l’activité marocaine en se fondant sur des cadres théoriques» détaillés dans le document.
«La possibilité que le Maroc déploie une stratégie hybride sous le format de la zone grise, en vue d’obtenir la souveraineté sur Ceuta et Melilla sans forcer une guerre ouverte constitue, au moins, l’une des hypothèses de travail les plus plausibles qui puissent être émises à ce sujet», a-t-on conclu.