Le sommet Russie-Afrique a montré que la stabilité politique algérienne était fragile, voire illusoire. En dépit de relations apparemment cordiales entre Moscou et Alger, la rencontre entre les présidents Poutine et Bensalah n’était pas sans irriter et poser un certain nombre de questions.
La rencontre entre le chef de l’État algérien par intérim Abdelkader Bensalah et le dirigeant russe Vladimir Poutine en marge du sommet Russie-Afrique a provoqué un bouillonnement d’indignation. Le successeur septuagénaire de Bouteflika, qui a multiplié les effets d’annonces et de bons sentiments face à son homologue russe, a été confronté à la curiosité ironique et à l’incompréhension de son interlocuteur, qui a esquissé un sourire forcé, tradition du fossé entre les déclarations de Bensalah et la réalité, surtout quand il a abordé la situation intérieure de son pays.
Bensalah, à la tête d’un pouvoir qui demeure personnalisé et monolithique, où la séparation des pouvoirs n’existant pas, a réduit le mouvement contestataire que connait son pays «à des éléments qui sortent chaque fin de semaine pour scander des slogans». Durant la réunion qui a rassemblé des responsables algériens et russes, il n’a eu de cesse d’affirmer que la crise actuelle dans son pays et temporaire et que l’Algérie, toujours debout, entend aller de l’avant. Ce faisant, il prouve qu’il ne prêterait pas l’oreille aux appels en faveur de la démocratisation et du respect des droits de la personne humaine, mais surtout aux revendications de la rue.
Face à Poutine, l’ex-secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND) a eu beaucoup de peine à défendre les perspectives d’avenir de son pays, miné par une bureaucratie corrompue, une armée qui contrôle tous les aspects de la vie politique, des structures de force saisies par l’affairisme, et des contestations qui prouvent la diminution de la peur devant le pouvoir. Vladimir Poutine, lui, s’est contenté de souhaiter que l’Algérie «n’aliène pas sa souveraineté.»
La prestation de Bensalah, apparu épuisé et hagard, a été faite d’illusions : illusion d’ordre, illusion de stabilité et d’institutions autonomes, illusion de progrès, illusion de responsabilité. À terme, le pouvoir présidentiel qu’il incarne lui-même pour le moment est une illusion. Tandis que Vladimir Poutine a espéré voir le peuple algérien surmonter les “difficultés de la période de transition”, la pression de la société exigeant des réformes démocratiques radicales et le démantèlement des anciennes structures ne cesse de s’accentuer. Incapable de formuler une véritable stratégie de transformation, Bensalah était pour le président russe l’incarnation d’un pouvoir vulnérable et sans légitimité.
L’action de la diplomatie algérienne se révèle aujourd’hui semblable à l’image de la situation du pays. Dans les commentaires des analystes et les experts, le terme «désastre» revient en boucle. Le président algérien par intérim étant seul à la manœuvre actuellement, a échoué à marquer sa rencontre avec le président Poutine par un geste d’envergure.