Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a accusé lundi son homologue américain Joe Biden d’avoir «les mains ensanglantées» en raison de son soutien à Israël au moment où l’État hébreu mène des frappes dans la bande de Gaza.
«Vous écrivez l’Histoire avec des mains ensanglantées», a déclaré Recep Tayyip Erdoğan à l’adresse du locataire de la Maison-Blanche, reprochant notamment à son administration l’approbation de nouvelles ventes d’armes à Israël «qui mène des attaques disproportionnées contre la bande de Gaza».
Les États-Unis se sont opposés lundi, pour la troisième fois en une semaine, à l’adoption d’une déclaration du Conseil de sécurité de l’ONU sur le conflit israélo-palestinien, qui appelait à «une cessation des violences» et à «la protection des civils, notamment les enfants», selon des diplomates.
Le texte rédigé par la Chine, la Tunisie et la Norvège avait été remis dimanche soir aux 15 membres du Conseil de sécurité pour approbation lundi. Les États-Unis ont indiqué qu’ils «ne pouvaient pas soutenir pour le moment une expression» du Conseil de sécurité, a dit à l’AFP un diplomate.
Biden va rappeler Nétanyahou
Le président Biden a annoncé lundi qu’il échangerait dans la journée avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou au sujet de l’escalade de violences en cours, alors que le Hamas et Israël semblent indifférents aux appels à la désescalade.
«Je vais parler avec le premier ministre dans une heure et j’aurai plus de choses à dire après cet échange», a déclaré M. Biden, interrogé sur la possibilité de lancer un appel à un cessez-le-feu.
Interrogé sur le nouveau refus des États-Unis d’entériner un texte commun pour le Conseil de sécurité, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a souligné l’importance de l’affirmation d’une position unie du Conseil face au conflit.
«Je voudrais vraiment réaffirmer la nécessité d’une voix très forte et unifiée du Conseil de sécurité qui, à notre avis, aura du poids», a-t-il dit lors de son point-presse quotidien.
L’Assemblée générale de l’ONU tiendra jeudi à 10 h un débat public en personne sur le conflit israélo-palestinien, a annoncé pour sa part le porte-parole de l’Assemblée générale de l’ONU, Brenden Varma.
Cette session, qui ne devrait pas donner lieu à l’adoption d’un texte, a été demandée par le Niger et l’Algérie, en leur capacité respective de présidents en exercice de l’Organisation de la Coopération islamique et du Groupe arabe à l’ONU, a-t-il précisé lors du même point-presse.
Le projet de texte soumis au Conseil de sécurité, obtenu par l’AFP, exprimait «la grave préoccupation» du Conseil face à la crise et dénonçait les «possibles expulsions» de familles palestiniennes à Jérusalem-Est, appelant à éviter les «actions unilatérales» qui aggravent les tensions.
La déclaration saluait aussi les efforts internationaux pour une désescalade, sans mentionner les États-Unis, et réitérait le soutien du Conseil à une solution négociée en faveur de deux États, Israël et la Palestine, vivant «côte à côte en paix» dans des «frontières reconnues et sécurisées».
«Pertinence du Conseil»
En une semaine, le Conseil de sécurité a tenu trois réunions d’urgence sur le conflit, la dernière dimanche, sans parvenir à une position commune.
Premier soutien d’Israël, Washington, isolé, avait expliqué lors de ses deux premiers rejets considérer qu’un texte serait «contre-productif» vis-à-vis de ses efforts de médiation dans la région.
Lundi, lors d’une conférence de presse à Copenhague, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken a assuré ne pas faire obstacle à la diplomatie, comme l’en a accusé la Chine, tout en demandant aux deux parties de «protéger les civils» et les enfants.
«La question est de savoir si une action donnée ou une déclaration donnée, en fait, en pratique, fera progresser les perspectives de mettre fin à la violence ou non, et c’est le jugement que nous devons faire à chaque fois», a-t-il dit.
Le refus des États-Unis d’accepter une position unie du Conseil de sécurité suscite l’incompréhension de leurs partenaires.
«Nous demandons simplement aux États-Unis de soutenir une déclaration du Conseil de sécurité qui dirait des choses similaires à celles qui sont dites bilatéralement par Washington», relève un ambassadeur sous couvert de l’anonymat.
Ce week-end, un autre ambassadeur avait déjà exprimé ses interrogations. «C’est un peu étrange si l’on pense à l’attente que nous avions tous d’un retour des Américains dans la diplomatie multilatérale», a-t-il dit à l’AFP, également sous couvert de l’anonymat.
«Nous avions pensé aussi que les États-Unis seraient désireux de montrer la pertinence du Conseil de sécurité dans des situations comme celle-ci», avait-il ajouté.