Un enregistrement de l’entretien privé entre Blinken et Tebboune en date du 30 mars dernier, que barlamane.com a pu consulter, circule sur les réseaux sociaux. La déliquescence des services de sécurité algérienne se révèle dangereuse pour la condition de confidentialité dont doivent toujours être entourés les entretiens de chef d’Etat, de chefs de gouvernement et de diplomates. En effet, pour le public comme pour la presse, la part révélée de ces entretiens discrets se traduit toujours par un communiqué conjoint des deux parties, pour des raisons diplomatiques et d’intérêts hautement stratégiques d’Etat. Jamais par une fuite des enregistrements privés ni de documents internes.
Une fois la stupeur passée quant à la porosité de la confidentialité des entretiens inhérente aux rencontres entre hauts responsables des Etats, la teneur du monologue soporifique de Tebboune à l’adresse du secrétaire d’Etat américain interroge tant sur la forme que le fond.
Le président algérien palabre indéfiniment en français – pas en arabe ni en anglais- à propos du Maroc et ce n’est guère étonnant.
Il parle du Sahara, en soutenant que l’état des relations avec le Maroc date d’avant 1975. Et en cela il reprend la position de la France avant 1975. Tebboune se montre devant Blinken en tant qu’administrateur de l’Algérie, département français d’avant 1962.
Il convient de revenir, puisque Tebboune nous y force, à l’origine du différend autour du Sahara qui est effectivement un «legs frontalier» hérité de la colonisation française de l’Algérie et du protectorat français au Maroc, puisque la France d’antan voit dans des richesses de son sous le sol qu’elle a découvertes dans les années 50, un levier de croissance pour qu’elle puisse siéger à la tête des puissances économiques de l’Europe reconstruite. C’est dans ce contexte qu’élude Tebboune, qu’il y a eu la Création de l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (O.C.R.S.) en janvier 1957* par la France et l’Opération séduction toujours par la France pour échanges de bonnes procédures (où le gouvernement de la République Française s’engageait à respecter et à faire respecter l’intégrité territoriale du Maroc) et le Refus catégorique du Maroc (tant que l’indépendance de l’Algérie n’était pas actée, préférant discuter des frontières avec l’Algérie Libre). En agissant ainsi, le Maroc refusait de facto la reconnaissance de la compétence de l’État français sur le territoire algérien, alors qu’aujourd’hui encore le chef de l’Etat se conduit comme un administrateur d’un département de la Françalgérie.
Et c’est sur cette réthorique colonialiste que Tebboune durant son monologue face à Blinken essaie d’enseigner sa version de l’histoire au représentant diplomatique de la première puissance mondiale et de le convaincre que l’Algérie, contrairement au Maroc, a toujours respecté et appuyé les indépendances omettant le soutien du Maroc à la libération des peuples dont le sien actée par le roi Mohammed V dans son discours du 8 novembre 1958, qu’il réitère très clairement dans son discours du 1er novembre 1960, la position du Maroc et son soutien à cette cause : « la libération de l’Algérie, est une question de vie ou de mort pour Nous, car c’est la plus pure garantie de notre indépendance, de l’unité du Maghreb arabe et de la libération de tout le continent africain ».
Cette solidarité et cette fidélité du Maroc à l’Algérie, le royaume continue de la payer cher aujourd’hui comme hier. Rappelons qu’à l’époque, la France s’était raidie suite à l’engagement du Maroc en faveur de la libération de l’Algérie acté dès les premiers instants de l’indépendance du Maroc. Fort heureusement aujourd’hui, l’Espagne comme la France et l’Allemagne, dans le sillage d’autres pays africains et arabes ainsi que les USA, ont reconnu l’abus patent de la France et de l’Espagne, vis-à-vis des droits et de la souveraineté territoriale malgré des conflits artificiels hérités après l’indépendance du Royaume.
Cet enregistrement qui a fuité montre davantage l’implication du régime algérien dans l’instabilité régionale et son appui des mouvements et régimes antidémocratiques. Et ce, puisqu’il dit, dans un autre monologue publié sur le site du Département d’Etat américain avant la rencontre officielle avec Blinken le 30 mars dernier que tous ses voisins sont différents de l’Algérie à l’exception de la Tunisie dont les relations avec l’Algérie sont au beau fixe. Concomitamment à la diffusion par le département de Blinken de ce monologue, et par décision unilatérale, le président tunisien Kais dissolvait encore une fois le Parlement, en l’espace de huit mois pour continuer à s’arroger les pleins pouvoirs**.
* L’Objectif de l’O.C.R.S consistait en la mise en valeur de l’expansion économique et la promotion sociale des zones sahariennes de la République française et à laquelle sont annexés l’Algérie, la Mauritanie, le Soudan, le Niger et le Tchad. Le Sahara qui est à l’Est de la nouvelle frontière entre le Maroc et la France (Algérie) suite à un découpage français qui a amputé le Maroc de ses territoires, est devenue «la nouvelle Sibérie de l’économie française » , comme le qualifie Le Monde Diplomatique de février 1978.
**« This is our environment: we are surrounded by countries that are not very similar to us with the exception of Tunisia. That’s why we do have very close relations with Tunisia because we have similarities in many areas. Otherwise, all our borders are in flames: destabilized Libya; after Libya, of course there is the entire Sahel like Chad, Burkina Faso, Mali, Niger; and even Mauritania is not that strong. And next door we have the Moroccan Kingdom where our relations have always witnessed ups and downs since our independence. It is not recent; it is not due to the Western Sahara issue. » Traduction : » C’est notre environnement : nous sommes entourés de pays qui ne nous ressemblent pas beaucoup, à l’exception de la Tunisie. C’est pourquoi nous avons des relations très étroites avec la Tunisie, car nous avons des similitudes dans de nombreux domaines. Sinon, toutes nos frontières sont en flammes : la Libye déstabilisée ; après la Libye, il y a bien sûr tout le Sahel comme le Tchad, le Burkina Faso, le Mali, le Niger ; et même la Mauritanie n’est pas très forte. Et à côté, nous avons le Royaume du Maroc où nos relations ont toujours connu des hauts et des bas depuis notre indépendance. Ce n’est pas récent, ce n’est pas dû à la question du Sahara occidental. «