Le décret d’application de la loi 62-19 publiée au Bulletin Officiel (BO) en juillet 2021 annulant notamment l’obligation de nationalité marocaine des acquéreurs des terres agricoles, est bientôt prêt. Selon une source autorisée du ministère de l’agriculture, il sera, sans conteste, publié au BO dans un délai d’un à deux mois maximum (après son passage par le circuit normal : SGG, signature par le chef du gouvernement et les ministres concernés puis conseil de gouvernement).
Deux conditions président, dans le décret d’application de la loi 62-19, à l’achat des terres agricoles par les investisseurs étrangers, révèle notre source ministérielle : la constitution en société anonyme dont le siège est au Maroc et l’obtention de l’autorisation du CRI. Sans restriction sur le nombre d’hectares.
Il s’agit là d’un revirement idéologique et politique établi depuis plus de 40 ans. Un changement de cap qui paraît, également, être aux antipodes du discours officiel actuel basé sur la souveraineté (alimentaire, sanitaire, énergétique..) et sur la classe moyenne (discours du roi d’octobre 2018 à l’ouverture du Parlement, orientations depuis la pandémie du coronavirus et rapport de la CSMD).
En outre, le modèle de production de l’investisseur privé étranger s’appuie sur le productivisme et non sur la demande du marché intérieur. La source ministérielle consultée s’attend à la création d’emplois dans les grandes exploitations étrangères pour les petits et moyens agriculteurs ayant vendu leurs terres. Il semble plus probable que la vente de ces terrains conduira à une ruée de cette population rurale vers les villes.
Deux économistes de renom ont été consultés à ce propos. Ainsi, Najib Akesbi soutient que l’impact sur les structures sociales et la paysannerie ne peut que se traduire par une concentration foncière avec ses corollaires que sont la prolétarisation, la paupérisation de la paysannerie, l’exode rural et leurs conséquences sur l’équilibre des campagnes. D’un autre côté, l’ouverture à l’investissement étranger impliquera de fait, un pas supplémentaire vers le modèle agro-exportateur (de certains fruits et légumes) et non pas vers les biens que les Marocains consomment, qui continueront de fait, d’être importés (huiles, céréales, sucre…).
Kamal El Mesbahi, pour sa part, concède que du point de vue d’un investisseur agricole, l’élément foncier est important. Il prévient néanmoins que le foncier d’un pays n’est pas reproductible et que l’acquisition d’un terrain pour investir dans un pays étranger n’est pas l’unique réponse à la problématique du foncier, la location en est une autre.
Par conséquent, une acquisition ouverte au capital étranger privé exacerbera la fragilité sociale existante sur certains terrains agricoles.