L’Algérie avait pourtant voulu faire de ce sommet son grand retour sur la scène arabe. Raté, en raison du morcellement de la scène arabe.
«La détérioration et de la fragmentation des relations arabes» ainsi qu’une Ligue arabe «en déclin et difficilement réformable», rend «illusoire la réussite du prochain sommet arabe en Algérie», estime le journaliste Toufik Rabahi dans une chronique au vitriol publiée dans Al-Quds Al-Arabi.
Pour lui, «l’Egypte refuse d’ouvrir la porte pour parler de toute réforme car cela aurait signifié reconsidérer l’organigramme de cette organisation et aurait affecté le caractère sacré du monopole du Caire sur le secrétariat général et son contrôle sur les mécanismes de travail de la Ligue arabe». Selon M. Rabah, «l’entêtement de l’Algérie à accueillir le prochain sommet arabe et son insistance à en faire un succès est illusoire. La soi-disant homogénéité arabe n’existe plus, et le discours du président Abdelmadjid Tebboune sur son unification est également loin de la réalité et du réalisme politique.»
«Même si l’Algérie parvient à accueillir le sommet, son succès reste une autre histoire. S’il se tient, il sera le plus difficile et le plus dangereux. Il sera sûrement le pire en termes de représentativité officielle (la qualité de la fréquentation est devenue la seule mesure du succès du sommet)», a-t-il indiqué.
La région arabe, selon M. Rabahi, est aujourd’hui embourbée dans une quantité de crises qui ne peuvent être résolues. La Syrie a besoin d’un sommet spécial. La Libye aussi, le Yémen, l’Irak, la Tunisie, le Liban et la crise maroco-algérienne. «Cela s’ajoute aux crises de la santé, de l’éducation, de la pauvreté, du désespoir et de l’immigration clandestine, qui sont des préoccupations bien plus dangereuses que la politique et menacent les êtres humains dans leur existence.»
«L’autre péril est que les gouvernements et régimes arabes soient profondément divisés sur chacune de ces crises, sans exception. Il n’y a pas de position arabe convergente (et encore moins unifiée !) dans aucune de ces crises, et ce ne sera pas le cas. Certaines crises ont été créées par les pays arabes et y ont joué de dangereux rôles de sabotage. Alors vous attendez-vous à ce que le loup assume le rôle du berger ? Il y a un fait que les responsables algériens doivent sérieusement considérer, c’est l’absence de toute influence notable pour eux dans l’environnement arabe. Les foyers d’influence et ses outils dans le monde arabe ont changé et se sont déplacés vers d’autres pays. Cela s’est produit en l’absence de l’Algérie, soit à cause de la guerre civile des années 1990, soit lorsque Bouteflika a tout monopolisé et a décidé de paralyser le pays dès qu’il était paralysé par la maladie», pointe M. Rabbahi.
«L’influence dans le monde arabe est aujourd’hui monopolisée par certains pays, sans compter l’Algérie : l’Arabie saoudite en raison de sa puissance économique et spirituelle. Les Émirats arabes unis, de par leur puissance économique et leur audace à s’engager dans des aventures stratégiques. L’Egypte tente de capter les vestiges de son influence traditionnelle soutenue par le Golfe. Viennent ensuite d’autres pays comme le Qatar, le Koweït et Oman. L’Algérie ne dispose pas des nouveaux outils d’influence. Il n’a pas le pouvoir économique de concurrencer les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Qatar. Ses traditions diplomatiques héritées de la guerre froide la paralysent. La tradition elle-même le dissuade de toute audace diplomatique. Tout cela rend l’Algérie incapable d’imposer sa parole dans un forum tel que le sommet arabe, et les enchevêtrements et intrigues qui ondulent avec lui», analyse M. Rabahi.
«L’Algérie devrait penser à trouver un prétexte convenable pour renoncer à accueillir un sommet arabe qui n’aura peut-être pas lieu, et s’il est maintenu, ce ne sera rien de plus qu’une occasion d’échanger des paroles diplomatiques creuses et des photos souvenirs, et puis chaque invité se rendra dans son pays à la vitesse de l’éclair. Si l’Algérie annule le sommet, personne ne sera triste, mais cela supprimera plutôt l’embarras de nombreux dirigeants arabes. Si les autorités algériennes veulent retrouver leur place dans le travail diplomatique régional, la Ligue arabe n’est pas la meilleure porte d’entrée. Encore pire. Le sommet arabe est un piège, pas une rampe de lancement. L’Algérie devrait arrêter d’attendre quelque chose de la Ligue arabe. Elle doit être attentive à l’Afrique, et elle doit aussi réformer ses relations avec la France, l’Union européenne et les autres espaces économiques et stratégiques des cinq continents», a-t-il conclu.