Aujourd’hui que le Covid-19 est parmi nous, remettant en question l’ensemble des paradigmes qui ont fait le monde moderne de l’Amérique jusqu’à la Chine en passant par le Vieux Continent, l’heure au Maroc est au changement grâce à une Intelligentsia Nationale qui a permis de faire des crises de l’Histoire des opportunités pour mieux se redresser.
Comme nos aïeuls qui ont toujours su faire face aux intempéries de l’Histoire, nous devrons nous relever sur le bon pied d’un plan de relance Nationale dont le mot d’ordre sera la solidarité et le retour aux fondamentaux dans un monde où le populisme s’est installé au détriment de la raison d’Etat et où le capitalisme s’est confondu avec la souveraineté des Nations.
Mais il est clair qu’en réaction à cette crise, Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste a donné rapidement et avec sagesse le bon son de cloche qui raisonnera au cœur de tous les choix futurs : la force de l’Etat et la priorité au Citoyen. De ce fait, repenser la Maroc de demain devra émaner de cette symbiose à la fois abstraite et concrète, à la fois modeste et pleine de sens. De là, devront s’inspirer nos acteurs économiques et politiques pour dessiner les formes d’un Maroc prospère, bienveillant et durable. Dans ce sens, toutes les forces vives de la nation devront doubler d’efforts et faire preuve d’un maximum de lucidité pour apporter des réponses à la hauteur des difficultés et des conséquences de la crise. Sans se leurrer, il faut commencer par admettre que la relance sera effectivement difficile et demandera beaucoup de temps mais le plus important sera d’assurer un bon départ et aller à l’essentiel. Sans oublier de capitaliser sur ce que nous sommes à savoir que le Maroc a son propre modèle de gouvernance avec deux chaines de commandements : les responsables nommés et les responsables élus qui doivent plus que jamais faire preuve de coopération responsable à toutes les échelles de la fonction publique et de l’état. Ce qui peut être parfois compliqué mais quand il s’agit de faire face à une crise pareille tout responsable confondu a su faire preuve d’efficacité en créant un réel sentiment d’assurance et de sécurité chez le citoyen.
Partant de ce modèle, qui est réellement cohérent avec l’ADN de la société Marocaine, le Covid-19 incite à la réhabilitation de l’Etat Providence faisant de l’Etat un principal acteur pour l’endiguement de la crise dans l’exercice de son rôle social mettant l’Homme au cœur des choix stratégiques en assurant la survie de chacun, et en investissant principalement dans un service public capable de soigner tout le monde et de se préserver des crises à venir que le monde risque de connaitre.
A l’heure où la solidarité internationale se fane et où la solidarité Nationale tient toute sa légitimité, l’Etat sera le premier facteur et le dénominateur commun des mesures à prendre aussi difficiles soient-elles. De ce fait, l’endettement de l’Etat est le premier pas de solidarité qui donnera la bouffée d’oxygène nécessaire à tous les plans de relances ou d’entraide annoncés. Cet endettement de l’Etat qui a sans doute un coût politique et stratégique très considérable devra être utilisé à bon escient en subvenant à l’essentiel ainsi qu’à l’économie réelle.
Les limites de la mondialisation sont donc mises à nu par la crise du Covid-19, ce qui pousse à penser à un nouveau modèle de société où la résilience est un impératif car la responsabilité est collective. Cette résilience commencerait par une rupture avec le capitalisme financiarisé qui n’arrive pas aujourd’hui à financer les économies réelles et répondre à l’attente sociale. Cette rupture devrait passer par une relativisation du suivi du seul indicateur du PIB pour s’ouvrir à d’autres indicateurs alternatifs qui prennent en compte les dégâts infligés par la croissance à nos patrimoines naturels et sociaux. Et il s’agit là de la régulation de la mondialisation qui devra nous pousser à s’interroger sur notre dépendance à l’usine Monde qui pose aujourd’hui un grand nombre de limites.
Pour un pays comme le nôtre, il y a des choix rationnels à faire comme on a su en faire au lendemain de l’Indépendance pour mettre le Maroc sur les rails. Tout d’abord, un plan de relance économique citoyen est attendu pour maintenir un équilibre social nécessaire qui pourrait passer par l’engagement de l’Etat dans le capital des fleurons de l’économie nationale afin d’éviter un crash fort probable. Et donc un retour à une forme de nationalisation serait propice ; mais cette fois-ci une nationalisation capitaliste responsable faisant de l’Etat stratège un acteur de l’investissement et du développement industriel.
L’émergence de tout cela se doit d’être accompagné par un rôle citoyen des banques qui devront faire un moratoire temporaire des crédits en souffrance au-delà de la période de confinement et tout au long de la phase de relance en proposant des lignes de crédit additionnelles avec la caution de l’Etat pour financer la transition difficile que vont connaitre nos entreprises touchées directement par la crise du Covid ; d’où un maintien des taux bas serait favorable pour soutenir la demande interne unique locomotive actuelle de l’économie nationale. Cependant certains secteurs tel que l’agroalimentaire, le BTP et l’aéronautique, l’automobile etc…devront bénéficier d’un traitement exceptionnel vu le nombre d’emploies directs et indirects qu’ils génèrent. Nous verrons alors, surgir encore une fois l’exception marocaine avec l’émergence d’un nouveau concept de la «banque essentielle» qui prend conscience de sa responsabilité vis-à-vis de l’humain et de la société.
Ce concept de l’essentiel se devra d’être transversal voire même, le mot d’ordre qui va orienter nos choix économiques du moins pendant les années à venir avec une gouvernance qui prend en compte les écosystèmes des entreprises afin de favoriser un meilleur encrage local et une re-dynamisation des régions faisant appel à une régionalisation avancée capable de créer des activités et des emplois sur le plan local.
Au cœur de ces chois essentiels, il y a bien l’environnement qui devra être un facteur de succès et non un simple effet d’annonce, une véritable transition d’éco-consommation et d’éco-conduite devront s’instaurer pour permettre l’éclosion d’une nouvelle économie dont le Maroc pourrait être un lieu propice qui est l’économie du bien-être et de la santé. C’est ce genre d’activités économiques qui vont de paire avec la culture authentique marocaine qui devront être encouragées pour redresser des secteurs comme le tourisme touché de pleins fouets par le Covid 19.
Il ne faut pas oublier aussi notre encrage africain qui nous serait d’une grande utilité non seulement identitaire mais aussi économique. L‘Afrique est bien un levier économique commun aujourd’hui car l’insertion du continent dans la mondialisation a été fondée sur un modèle d’extraversion qui montre aujourd’hui ses limites. La solution serait d’initier la route de la soie africaine qui je pense a existé jadis et qu’il faudra revisiter. Mais cela ne pourra avoir lieu sans une prise de conscience commune qui débutera par le développement des facteurs de compétitivité logistique facilitant la proclamation de cette route de la soie africaine. Sans oublier que la finalité étant de développer l’industrie en Afrique, car le commerce doit rester seulement un outil pour arriver à l’industrialisation et non une fin en soi. La preuve est bien que souvent les accords de libre échange n’ont pas été équitables ou équilibrés car l’une de leurs limites principales c’est l’absence de continuité territoriale.
Au cœur de tout ces changements la transformation numérique et digitale auront une place incontournable dans la relance économique dans des secteurs essentiels tels que la santé où la télé-médecine ne peut plus attendre et où le télétravail augmente l’immunité des entreprises ayant opté pour la transformation digitale.
Le piment marocain qui donnera sens à toutes les mesures à venir sera essentiellement les valeurs qui nous ont vu naitre à savoir la solidarité, l’altruisme et l’humanisme qui ont su donner à tout un chacun un élan d’espoir dans la gestion de cette crise. Certains disent que l’Humanité n’évolue que lorsqu’elle a vraiment peur, mais nous Marocains ce n’est pas la peur qui nous fera avancer mais notre fierté collective afin de lancer un nouveau modèle diffèrent de tous les autres ; et j’entends par là un modèle sociétal et économique qui ne montrera plus de signe de fatigue engendré par un capitalisme omnipotent et un service public qui peine à suivre. Notre modèle sera unique et marquera la rupture avec le passé et inspirera l’ère du changement où l’Humain est l’unique priorité.
Un retour vers un état fort présent qui décide de son devenir, un état citoyen, un état solidaire sera notre marque de fabrique. Ce modèle marocain ne sera bien sûr pas déconnecté du reste du monde mais agira avec plus de pragmatisme et de lucidité car les rapports souvent dominant-dominé qui ont marqué les relations internationales où autres ne seront plus instaurés poussant à l’émergence de nouvelles forces qui sauront bénéficier des nouveaux paradigmes que la crise du Covid-19 installera.
Ce modèle marocain devra incarner l’équilibre entre la performance financière et le temps long de l’humanité afin que l’Etat fasse les bons arbitrages en temps voulu.