Dix migrants originaires d’Afrique subsaharienne cherchant à gagner clandestinement l’Europe sont morts après le naufrage de leur bateau en Méditerranée au large de la Tunisie, ont annoncé mercredi les gardes-côtes tunisiens.
« Soixante-douze migrants ont été secourus et dix corps ont été repêchés après le naufrage du bateau mardi », au large de Sfax dans le centre-est de la Tunisie, a indiqué à l’AFP le porte-parole de la garde nationale, Houssem Jebabli, précisant que les morts étaient des ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne.
Dans un communiqué, la garde nationale a affirmé avoir déjoué mardi « deux opérations de franchissement illégal des frontières maritimes », celle au large de Sfax et une deuxième dans le nord du pays.
Au total, 76 migrants incluant quatre Tunisiens seulement ont été secourus
Outre les dix morts, « entre 20 et 30 » autre migrants africains sont portés disparus après le naufrage au large de Sfax, a indiqué à l’AFP le porte-parole du tribunal local chargé d’enquêter sur ce drame, Faouzi Masmoudi,
Vingt-sept migrants originaires d’Afrique subsaharienne avaient péri ou sont portés disparus après deux autres naufrages vendredi et samedi au large de la Tunisie.
Fin mars, les corps de 29 autres migrants provenant d’Afrique subsaharienne avaient été repêchés après trois naufrages distincts au large de la Tunisie.
La Tunisie, dont certaines portions de littoral se trouvent à moins de 150 km de l’île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, majoritairement originaires de pays d’Afrique subsaharienne, vers l’Italie.
Le premier trimestre de l’année 2023 a été le plus meurtrier pour les migrants traversant la Méditerranée depuis 2017 avec 441 vies perdues en tentant d’atteindre l’Europe, a déclaré l’ONU mercredi.
L’Organisation internationale pour les Migrations des Nations unies (OIM) a estimé que ce chiffre de 441 décès est en deçà de la réalité.
« Avec plus de 20.000 décès enregistrés sur cette route depuis 2014, je crains que ces décès aient été normalisés », a-t-il averti, ajoutant que « les retards et les lacunes dans les opérations de recherche et de sauvetage menées par les États coûtent des vies humaines ».
« Pendant le week-end de Pâques, 3.000 migrants ont atteint l’Italie, ce qui porte le nombre total d’arrivées depuis le début de l’année à 31.192 personnes », contre environ 8.000 durant la même période en 2022, a déclaré l’OIM.
L’organisation onusienne a précisé que les retards dans les opérations de recherche et de sauvetage (SAR) ont été un facteur déterminant dans au moins six incidents depuis le début de l’année, entraînant la mort d’au moins 127 personnes sur les 441 autres.
« L’absence totale de réponse au cours d’une septième opération de sauvetage a coûté la vie à au moins 73 migrants » toujours inclus dans ce même décompte, a estimé l’OIM dans un communiqué, ajoutant que les efforts de recherche et de sauvetage des organisations non gouvernementales ont nettement diminué au cours des derniers mois.
La Première ministre italienne Giorgia Meloni, qui a pris ses fonctions en octobre avec la promesse de mettre fin à l’immigration de masse, a décrété mardi soir un état d’urgence de six mois sur l’immigration, moyennant cinq millions d’euros supplémentaires pour faire face à cette question.
Selon Mme Meloni, cela permettra « une réponse plus efficace et dans de meilleurs délais » face à l’arrivée de migrants.
Mais selon ses détracteurs, la mesure, utilisée généralement pour des catastrophes naturelles, cache une absence de stratégie claire sur la crise migratoire.
De son côté, l’Agence européenne de surveillance des frontières, Frontex, a estimé que les traversées illégales de frontière en Méditerranée centrale atteignaient presque 28.000, également au premier trimestre 2023, soit trois fois plus que durant la même période de 2022.
Les migrants utilisant cette route sont originaires le plus souvent de Côte d’Ivoire, de Guinée et du Pakistan.
« La crise humanitaire persistante en Méditerranée centrale est intolérable », a estimé le chef de l’OIM Antonio Vitorino.
Le projet « Migrants disparus » de l’agence des Nations unies enquête également sur plusieurs cas de bateaux portés disparus, où il n’y a aucune trace de survivants, de débris et où aucune opération de recherche et de sauvetage n’a été menée.
Quelque 300 personnes à bord de ces bateaux sont toujours portés disparus, a indiqué l’organisation.
« Sauver des vies en mer est une obligation légale pour les États », a souligné M. Vitorino.
« Nous avons besoin d’une coordination proactive des États dans les efforts de recherche et de sauvetage. Guidés par l’esprit de partage des responsabilités et de solidarité, nous appelons les États à travailler ensemble et à s’efforcer de réduire les pertes en vies humaines le long des routes migratoires », a-t-il ajouté.
Les départs se sont intensifiés après un violent discours le 21 février du président tunisien Kais Saied pourfendant l’immigration clandestine.
M. Saied avait affirmé que la présence en Tunisie de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays.
Après ce discours, une partie importante des 21.000 ressortissants d’Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail, généralement informel, et leur logement, du fait de la campagne contre les clandestins.
La plupart des migrants africains arrivent en Tunisie pour tenter ensuite d’immigrer clandestinement par la mer vers l’Europe.
Vendredi, la garde nationale a annoncé avoir secouru ou intercepté « 14.406 personnes dont 13.138 originaires d’Afrique subsaharienne, le reste étant des Tunisiens », sur les trois premiers mois de l’année, soit plus de cinq fois le nombre recensé pour la même période de 2022.