«Emmanuel Macron n’a convié aucun chef d’Etat africain au “Nouveau Sommet Afrique-France” cette fin de semaine à Montpellier et qui fait la part belle à la société civile» écrit le quotidien suisse Le Temps. Un exercice solitaire ou une volonté de sortir des paradigmes habituels ?
Pour le traditionnel sommet entre la France et le continent, rebaptisé “Nouveau Sommet Afrique-France”, qui aura lieu en fin de semaine à Montpellier, aucun président africain n’a été convié. «Une première depuis la création de ces raouts diplomatiques symboles de la “Françafrique” du nom des liens incestueux qui persistent avec l’ancienne métropole» écrit le quotidien suisse Le Temps.
Le 28e sommet Afrique-France a été initialement prévu à Bordeaux en juin 2020 sur le thème de la ville et des territoires durables. L’événement, qui devait accueillir cinquante-quatre chefs d’Etats et des centaines entreprises françaises et africaines, aura finalement lieu à Montpellier.
«Point d’orgue de ce sommet, une dizaine de participants pourront converser avec Emmanuel Macron le vendredi après-midi. Aucune personnalité connue dans cette liste restreinte. Ces heureux élus, dont une moitié de femmes, ont été repérés ces derniers mois lors de débats préparatoires tenus dans douze pays africains» écrit la même source.
La préparation du sommet a été confiée par Emmanuel Macron au philosophe camerounais Achille Mbembe. «Ce mandat a valu de nombreuses remontrances parmi ses pairs au théoricien de la pensée post-coloniale. À longueur d’interviews, le professeur a assumé l’ambiguïté de l’exercice, assurant avoir eu une grande marge de manœuvre. Il a aussi remis un rapport au président français pour refonder la relation avec l’Afrique, au-delà du sommet de Montpellier. Parmi ses propositions, Achille Mbembe prône notamment un nouveau fonds d’innovation pour la démocratie en Afrique et la création d’une maison des mondes africains et des diasporas à Paris. Le président français promet aussi des annonces concrètes au terme du sommet» note Le Temps.
L’Elysée affirme que toutes les questions qui fâchent seront abordées. «À commencer par l’intervention militaire française au Sahel, de plus en plus rejetée sur le continent, en particulier au Mali, qui lorgne du côté de la Russie et de ses mercenaires pour combattre les djihadistes. Emmanuel Macron sera aussi attendu sur le désir de mobilité des Africains, comme le répète Achille Mbembe. Mais, sur ce dossier, la volonté disruptive du président français se heurte aux considérations de politique intérieure à moins d’une année de la présidentielle française» indique-t-on.
«Alors que les candidats rivalisent de sévérité sur l’immigration, l’heure n’est pas à l’ouverture. En témoigne la récente décision de l’Elysée de réduire les visas accordés aux pays du Maghreb, parce qu’ils rechignent à reprendre leurs ressortissants expulsés de France» note-t-on.
Sauf que Paris est autant redoutée que critiquée. «Sous des airs de modernité, la place accordée à la société civile et à des intellectuels reconnus s’apparente en réalité à une tentative de maintenir une ambition hégémonique de plus en plus contestée», martèlent Lionel Zevounou, Ndongo Samba Sylla et Amy Niang, dans la revue Afrique XXI, fondateurs du Collectif pour le renouveau africain, prônant un continent réellement «indépendant et souverain».
Selon Le Temps, «les vieux réflexes de la Françafrique ont la vie dure. Très critique sur la prise de pouvoir des militaires maliens, la France a fait primer son alliance militaire privilégiée avec le Tchad, en avalisant la succession dynastique du président Idriss Déby tué par les rebelles en mai dernier. L’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, jeune président a priori affranchi des anciens réseaux françafricains, et les promesses de rupture du début du quinquennat avaient fait naître de grands espoirs. Mais aujourd’hui, c’est la déception qui domine en Afrique»
«L’ouverture des archives sur la guerre d’Algérie voulue par le locataire de l’Elysée est loin d’avoir apaisé les tensions avec Alger» a-t-on conclu.