Entré en vigueur le 6 juillet 2006, l’Accord d’Agadir vise à établir une zone de libre échange entre les pays signataires, à savoir l’Egypte, la Jordanie, le Maroc, la Tunisie, et plus récemment le Liban et la Palestine. Cet accord a pour objectif de stimuler les échanges commerciaux entre ces 6 pays et ceux de L’Union Européenne. Pourtant, l’application de cet accord est entachée d’une incroyable lenteur et fait face à plusieurs obstacles, Mhammed Echkoundi, Professeur chercheur à l’Institut des Etudes africaines nous éclaire davantage.
La zone de libre-échange euro-méditerranéenne est assez singulière dans la mesure où ses pays signataires forment un mélange parfaitement hétérogène par leurs réalités économiques, culturelles, politiques, et sociales. Les économies de plusieurs de ces pays, notamment l’Egypte et la Palestine, ont pris un sérieux coup à cause d’aléas politiques et géopolitiques qui ont eu des répercussions sur leur croissance et leur intégration. S’ajoutent à cela les défis de l’immigration et la situation sécuritaire. Ainsi, l’application de l’accord d’Agadir tarde à montrer ses fruits.
Selon Pr. Echkoundi, « l’application de l’accord se heurte à une série d’obstacles au premier rang desquels figurent la volonté des Etats et la confiance entre eux. En effet, nous déplorons l’existence d’un cadre de concertation et de dialogue permettant l’identification et la création des complémentarités ».
Si l’Accord d’Agadir avait stipulé une circulation douanière plus fluide entre les pays signataires, en réalité, les procédures sont toujours aussi lentes. Pr. Echkoundi relève que c’est également l’un des obstacles, vu que la durée des procédures administratives et douanières est de 1 à 3 jours. Il s’agit d’ « un délai conséquent comparativement avec d’autres zones économiques. De même, les procédures d’import et d’export donnant accès au régime préférentiel demeurent compliquées et laborieuses ainsi que le coût de transport qui décourage les exportateurs potentiels » souligne-t-il.
Pour Pr. Echkoundi, force est de constater que, 13 ans après l’entrée en vigueur de l’accord, « au lieu des complémentarités c’est plutôt la concurrence qui domine, […] au lieu de développer des avantages comparatifs collectifs leur permettant de mieux tirer profit du partenariat avec l’Europe, ils se trouvent dans une situation de concurrence les uns avec les autres ».
En outre, les chiffres révèlent un véritable déficit dans les échanges commerciaux entre les pays signataires. Les statistiques montrent que les exportations marocaines, à destination de l’Egypte sont passées de 22,5 millions de dollars en 2001 à 88 millions de dollars en 2017. Pour les exportations égyptiennes vers le Maroc, elles sont passées de 47 millions de dollars à 454 millions de dollars en 2017. Nous remarquons ainsi que les exportations égyptiennes vers le Maroc ont évolué beaucoup plus vite que les exportations marocaines vers ce même pays, d’où une balance commerciale déficitaire en défaveur du Maroc. Selon Pr. Echkoundi, il s’agit d’un « déficit qui peut être rapidement résorbé si certains obstacles d’ordre tarifaires et non tarifaires seront levés », par exemple, « le Maroc peut exporter davantage de voitures Logan vers l’Egypte si certaines restrictions sont levées ».
Ainsi pour que les pays signataires bénéficient pleinement de cet accord qu’ils ont signé, il faut « agir sur les obstacles techniques et donc les barrières non tarifaires érigées par les industriels des quatre Etats. L’objectif étant de faire qu’ils adhérent sans aucune restriction à l’esprit de libre échange dont l’accord est porteur », suggère Pr.Echkoundi.
Il faut également évoquer la question du cumul des règles Euromed, qui concerne la «nationalité économique» des marchandises dans le commerce international. Par exemple, « un tissu originaire de l’Egypte employé par les fabricants de vêtements marocains sera considéré comme marocain », ainsi une marchandise peut acquérir une origine préférentielle et bénéficier de droits de douane réduits ou nuls à l’importation. Il s’agit d’en définir clairement les règles et les modes d’application.
Mais il faut également que les pays signataires apprennent à fonctionner en tant que système, non comme des concurrents l’un par rapport à l’autre, et donc « à raisonner en termes d’approche systémique plutôt qu’une approche commerciale se limitant aux échanges commerciaux », nous souligne Pr. Echkoundi, pour conclure.