Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a appelé mercredi 8 décembre à une «relation apaisée» entre la France et l’Algérie. Mais au fond, la visite a été un échec retentissant.
La grande liste des dossiers d’affrontement qui minent les relations Alger-Paris est inextricable. Le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est rendu à Alger, mercredi 8 décembre, pour y rencontrer le président Abdelmadjid Tebboune, sur fond d’une grave crise diplomatique, la plus virulente depuis quinze ans. «Je souhaite que nos deux pays reprennent ensemble la voie d’une relation apaisée», a déclaré à la presse M. Le Drian aux côtés de son homologue refrogné, Ramtane Lamamra, indiquant que la France et l’Algérie devaient «regarder vers l’avenir». Mais toutes les questions pendantes n’ont pas été couronnées d’annonces de solutions.
Le chef de la diplomatie française a insisté sur «la confiance» afin de «renouer» sur de nouvelles bases et sur «l’approfondissement de notre partenariat» – qualifié d’«indispensable». Mais l’ambiance était glaciale, et les échanges sont aucune amabilité. Derrière les tensions sur les visas entre les deux pays, qui ont implosé fin septembre, de nombreux sujets de friction se sont accumulés.
Le soutien d’une option russe au Mali, selon les sources de Barlamane.com, divise l’exécutif algérien. Les partisans de Moscou se trouveraient principalement du côté de l’état-major des armées, ce qui explique les craintes de la France de voir une puissance étrangère s’introduire dans un pays gangrené par le terrorisme. L’Allemagne, l’Union européenne ou encore la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest redoutent grandement ce scénario.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a prévenu qu’il ne fera pas «le premier pas» pour tenter d’apaiser les tensions provoquées par des propos critiques d’Emmanuel Macron sur la «nation» algérienne. «Je n’ai pas de regrets. Macron a rouvert un vieux conflit de manière totalement inutile», a dénoncé le dirigeant algérien dans une récente interview accordée à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel .
Pour le président Tebboune, Emmanuel Macron a «blessé la dignité des Algériens». «On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, et on n’insulte pas les Algériens», a déploré le président algérien. «Pourquoi (Emmanuel Macron) a-t-il dit ça ? Je pense que c’était pour des raisons électorales stratégiques», estime Abdelmadjid Tebboune. «C’est le même discours que le journaliste d’extrême droite Éric Zemmour utilise depuis longtemps : l’Algérie n’était pas une nation, c’est la France qui en a fait une nation», fait-il valoir. Selon Abdelmadjid Tebboune, «avec cette déclaration, Macron s’est placé du côté de ceux qui justifient la colonisation».
La question de la reprise des vols militaires français au-dessus de l’Algérie était au centre des discussions. Les Français ont demandé aux Algériens de «revenir à une autorisation générale et systématique des survols militaires», rapporte la source proche de M. Le Drian, citée par Le Monde.
Existe-t-il une perspective de dénouement avec la France ? «Non, si les Français veulent aller au Mali ou au Niger maintenant, ils devront juste faire neuf heures de vol au lieu de quatre», rétorque Abdelmadjid Tebboune, assurant toutefois qu’une «exception» serait faite pour «le sauvetage de personnes blessées». «Mais pour tout le reste, nous ne sommes plus obligés de coopérer les uns avec les autres, c’est peut-être terminé maintenant», prévient-il, accusant Emmanuel Macron d’avoir «porté atteinte à la dignité des Algériens».
Le déplacement d’Alger visait, selon Le Monde toujours, à la «reprise d’un dialogue opérationnel sur les questions humaines et migratoires », selon la formule du ministre lui-même.
Un éventuel retour de l’ambassadeur d’Algérie en France, rappelé au début du mois à Alger après des propos critiques du président Emmanuel Macron, n’a pas été abordé. Il est «conditionné au respect total de l’État algérien» par Paris, a déclaré le président algérien Abdelmadjid Tebboune. Le chef d’État a par ailleurs accusé le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin de «gros mensonge» quant au nombre d’immigrés clandestins algériens à refouler depuis la France.