Dans le cadre d’un séminaire sur l’impact potentiel de la Zone de Libre-échange continentale africaine (ZLECA) sur les économies maghrébines, prenant place le 11 et 12 novembre à Rabat, un panel autour des deux phases de négociation de la ZLECA, les enseignements qui ont en été tirés et les défis à venir, a été discuté en présence des négociateurs en chef des 5 pays de l’Union du Maghreb arabe (UMA)
Aujourd’hui, le panel s’est intéressé à l’analyse des négociations sur la ZLECA qui ont débuté en juin 2015, et qui se déroulent en deux phases. La première phase traite de l’élaboration des règles commerciales du continent sur le commerce des marchandises et le commerce des services. Quant à la deuxième phase, elle concerne l’établissement des règles en matière d’investissement transfrontière, de droits de la propriété intellectuelle et de politique de la concurrence. Si les négociations relatives à la première phase ont abouti et que l’Accord est entré en vigueur le 30 mai 2019, et sa phase d’opérationnalisation a été lancée officiellement au sommet extraordinaire de Niamey en juillet 2019, la deuxième phase des négociations aboutira à la finalisation de l’ensemble des règles régissant la ZLECA. Ainsi, cette dernière phase se révèle particulièrement sensible, puisqu’elle devra définir les conditions d’intégration des pays dans cette zone de libre-échange.
L’un des plus grands problèmes qui se posent est le protectionnisme de certains pays. Pour Mme Jemila Abdel Vetah, négociatrice en chef de la Mauritanie, « les pays de l’UMA en particulier ont un système de frontières modernisé, mais ce n’est pas le cas de plusieurs pays en Afrique », ainsi, pour entamer cette deuxième phase de négociations, « les pays, que ce soit de l’UMA ou de la CEDEAO doivent faire preuve de souplesse et de concessions » ajoutant que « si certains pays ne font fixette que sur un certain produit, la ZLECA ne sera jamais opérationnelle en juin 2020 », quoique pour l’instant, les discussions sur les tarifications douanières n’aient pas encore été entamées. Elle relève aussi que beaucoup de pays africains ne voient pas toute l’utilité du marché africain et continuent de se focaliser sur les pays européens, considérant la ZLECA inutile si elle ne leur permet pas d’exporter en Union Européenne.
Concernant l’expérience marocaine, mise en exergue par Mme Latifa El Bouabdellaoui, négociatrice en chef du Maroc, la présence du Maroc en Afrique ne date pas d’hier et ce, par le fait que plusieurs opérateurs économiques sont déjà présents en Afrique, aussi bien au niveau des échanges qu’au niveau des investissements. Le Maroc est également un exemple d’intégration régionale industrielle et agricole. En préparation à cette deuxième phase de négociations, Mme El Bouabdellaoui a spécifié que le Maroc a identifié ses produits prioritaires, mais aussi les pays prioritaires vers l’export. Un travail de longue haleine mené avec la Chambre de Commerce, d’Industrie et de Services (CCI), qui économisera au Maroc beaucoup de temps et d’effort lors de la phase de négociations. Mme El Bouabdellaoui a ajouté que tous les pays africains doivent être dans une logique d’intégration, « il est certes normal de vouloir protéger certains produits sensibles, des emplois et des structures économiques », mais l’Afrique réunit un potentiel humain unique, et est capable de produire toutes les ressources », alors que nous exportons presque tout, matières premières et finies.
L’expérience algérienne n’est pas plus différente non plus. Selon Khaled Bouchelaghem, négociateur en chef de l’Algérie, il est impératif de consolider l’intégration africaine, « au niveau des pays de l’UMA, il y a une certaine synergie, nous avons les mêmes positions sur certaines questions même sans concertation », mais il y a un réel manquement par rapport aux autres pays. M. Bouchelaghem expose, à titre d’exemple, certains chiffres pour illustrer ses propos. Il affirme ainsi que « 84% des échanges économiques de l’Algérie se fait avec le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie, le reste se fait avec l’Afrique et ne se chiffre qu’à 150 millions de dollars annuellement, faite de café, de thé et de matières premières ».
Pour la négociatrice en chef tunisienne, Mme Saida Hachicha, « les obstacles ne sont pas que tarifaires, il y a plusieurs obstacles qui subsistent malgré l’exonération totale des obstacles tarifaires notamment les obtentions préalables de privilèges fiscales, les délais longs de dédouanement, la multiplicité des certificats demandés », entre autres. Elle juge ainsi qu’il y a des pré-requis nécessaires qui doivent être mis en place, comme l’appropriation des projets gouvernementaux, du secteur privé, de la société civile, du milieu universitaire et tous les intégrer au projet de la ZLECA.